La plagiocéphalie : mais qu’est-ce s’est réellement ?

La déformation crânienne positionnelle est une asymétrie résultant de l’application de forces externes sur le crâne malléable du nourrisson(1). Si les forces sont réparties uniformément, le crâne s’aplatit de manière symétrique à l’arrière du crâne, ce qui entraîne une brachycéphalie. Si les forces sont réparties de manière inégale, la tête prend une forme asymétrique, ce qui entraîne une plagiocéphalie positionnelle. La plupart des auteurs classifient les plagiocéphalies selon deux types(2) ; les plagiocéphalies occipito-pariétale présentant uniquement un plat unilatéral à l’arrière du crâne et les plagiocéphalies fronto-pariétale caractérisées par un plat unilatéral à l’arrière du crâne, une bosse frontale du même coté et souvent une asymétrie de la face (3). La fréquence des plagiocéphalies a très nettement augmenté ces dernières années (4) quand l’American Academy of Pediatrics (5) a recommandé de coucher les nourrissons sur le dos pour prévenir la Mort Subit du Nourrisson. En France notamment, les témoignages des médecins vont dans le sens d’une augmentation constante(6). L’incidence des plagiocéphalies est selon les auteurs d’environ 46,6 % (7) à 61% (8) et 63,8 % des plagiocéphalies sont classifiées dans les formes modérées à sévères (9).

Quelles peuvent en être les causes ?

Les facteurs de risque communément rapportés (10) sont le sexe masculins (72%), les enfants nés d’une mère primipare (45%), les accouchements assistés par instrument (45%), enfants nés prématurément (32%) ou d’une grossesse multiple (9%). Le manque de temps sur le ventre (11) (12), d’activité de l’enfant (12) (13), le déficit de motricité oculaire (14) (15), l’allaitement artificiel (11) (16) sont aussi connus comme facteurs favorisant les déformation crânienne. Pour de nombreux chercheurs, le facteur de risque crucial des plagiocéphalies (17) est le déséquilibre de mobilité cervicale, à type de torticolis postural dit « préférence positionnelle» ou de torticolis musculaire congénital, dû à la position fœtale et/ou à l’accouchement. La prévalence plus élevée d’aplatissement de l’occiput droit (9) a conduit les auteurs (18) (19) à penser que la plagiocéphalie est liée aux circonstances gestationnelles favorisant un déséquilibre musculaire cervicale chez 70 à 95% des plagiocéphales (20).

Pourquoi mon bébé a la tête plate ?

Ainsi, l’hypertonie du muscle sterno-cléido-occipito-mastoïdien (SCOM) controlatéral à l’aplatissement (18) (19) entraine une non variation de la tête pendant le sommeil (21) (22) favorisant l’aplatissement du côté de la position préférentielle de couchage (23). Le méplat constitué, l’enfant a tendance à se caler sur cette surface crânienne plate, plus stable qu’une surface sphérique. Par confort, l’enfant garde cette habitude de couchage et le méplat se pérennise (24) favorisant l’orientation du regard vers le coté de la rotation cervicale. Le déficit de motricité oculaire induit va augmenter la compensation en attitude vicieuse (14) (15) (25) modifiant l’organisation des coordinations perceptuelles-motrices émergentes et entrainant une sensorimotricité œil-main-bouche unilatérale. Le développement étant soumis aux expériences induites par le milieu dans lequel on vit, les dispositifs d’installation comme les transats ou cosy limitent l’accès de l’enfant à son environnement et favorisent un calage postural. Une triade torticolis, déformation crânienne, acquisition sensori-motrice unilatérale augmentée par de mauvaises habitudes environnementales semble donc s’auto-induire et s’auto-augmenter (1) (11). Tout nourrisson avec « une position cervicale préférée » devrait être considéré comme ayant un déséquilibre cervical, un torticolis, jusqu’à avérer autrement (18) car la plagiocéphalie est fortement associée à la durée et à la force de l’orientation asymétrique de la tête entre 3 et 6 semaines (22).

Bébé a la tête plate, est-ce dangereux ?

Beaucoup de médecins considèrent que la plagiocéphalie n’entraine qu’une symptomatologie mineure sans conséquences, néanmoins de nombreuses études prouvent que la plagiocéphalie est responsable de conséquences défavorables multiples (26). Elle est responsable de troubles de la vision  (27) en affectant le champ visuel provoquant des strabismes (28), astigmaties sur l’œil controlatérale au méplat (29) (30) (31). En effet, les ptosis (paupières moins ouvertes) unilatéraux fréquents dans les plagiocéphalies entrainent un astigmatisme même si la pupille n’est pas occluse totalement (32). Un nombre croissant de recherches fournit des preuves que la plagiocéphalie perturbe la santé bucco-dentaire (33). Elle peut provoquer des dysmorphologies de la mandibule, un déplacement antérieur de l’articulation temporo-mandibulaire, créer des troubles de l’occlusion à l’âge adulte(34) avec des problèmes de malocclusion et de mastication(35) (36) (37). Dans certaines plagiocéphalie apparaît une déformation asymétrique intrinsèque de la mandibule (38) pouvant affecter la succion (35). La malposition des oreilles liée à une plagiocéphalie affecte aussi le drainage de la trombe d’eustache pouvant entrainer des otites (39) (40). Les chercheurs retrouvent aussi des conséquences sur la posture avec des anomalies de la statique vertébrale (41), du tonus musculaire (12) (13), une diminution de l’équilibre entre 3 et 5 ans (42), des scolioses idiopathiques (43), confirmant ainsi que cette problématique ne se limite pas à des répercussions d’ordre esthétique. De nombreuses études suggèrent des retards significatifs de développement sur le plan cognitif et psychomoteur (10) (44) (45) (46) (47) (48) à type de retard moteur  (49) (50) (51), de trouble de l’apprentissage du langage (52), d’un besoin plus fréquent de soutien scolaire et paramédical (53) (54). Aucun effet dose-réponse ne semble apparaitre entre la sévérité du méplat et les conséquences psychomotrices engendrées (47) (52) (55). La plagiocéphalie favorise des retards dans le développement des compétences motrices et cognitifs par les substrats biologiques qu’ils partagent (56) (57).

A quel moment mon bébé risque-t-il de se déformer le crane ?

La plagiocéphalie touche les très jeunes enfants avec un risque d’installation accru entre 3 semaines et 4 mois (13). Il est communément admis que les plagiocéphalies ne disparaissent pas sans intervention et ont tendance à s’accentuer avec le temps (1). Les études sur l’évolution des déformations crâniennes sont unanimes sur le fait que le taux de correction des déformations crâniennes diminue à mesure que les nourrissons vieillissent, et une quantité importante d’asymétrie est encore présente à 12 mois (1). 46% des plagiocéphales à douze mois l’étaient toujours à 2 ans (13). Les suivis anthropométriques prouvent que les asymétries modérées à sévères persistent dans le temps en l’absence de traitement (26) (58) (59) (60). Cavalier (6) suggère qu’une intervention précoce, dès la maternité, permet de réduire significativement la prévalence de la plagiocéphalie à 4 mois de vie. La croissance du neurocrâne étant largement déterminée par la croissance du cerveau, qui se développe rapidement et atteint 90% de sa taille adulte à l’âge de 1 an (61), il est nécessaire de commencer le traitement au plus tôt (21) (24) (62) (63), dès la maternité (64). En effet, le torticolis postural étant fréquent chez 92% des nouveau-né à la naissance (18) et fortement sous-estimé par l’équipe médicale (14) (18), le traitement en maternité devrait être systématique. A 9 semaines, 92,7% des nourrissons présentent déjà un certain degré asymétrie crânienne (21) et 100% des nourrissons qui à 4 mois, ont une coté préférentiel, développent une plagiocéphalie (65).

Comment prévenir la plagiocéphalie ?

Lorsqu’un nourrisson a une préférence de position de tête, il a 4 fois plus de probabilité de développer une plagiocéphalie (66). Il est donc très important de réduire le déséquilibre musculaire chez les jeunes enfants atteints de torticolis(67). Le traitement le plus recommandé par les chercheurs est la prévention(68) par l’éducation parentale précoce  (64) en informant les parents sur les conseils de positionnement à adopter (17) (64) répertoriées par l’American Academy of Pediatrics(69). La prévention par repositionnement n’est possible que chez les nourrissons très jeunes et immobiles avant 4 mois (70) (71). Malheureusement, le repositionnement ne semble empêcher que partiellement l’apparition des plagiocéphalies (72) et est généralement inefficace pour corriger l’aplanissement établi (73). La kinésithérapie est prescrite (74) (75) (76), mais ne semble pas non plus pouvoir corriger entièrement les défauts de forme crânienne. Dans les cas de plagiocéphalies sévères ou réfractaires à un traitement conservateur, les orthèses crâniennes peuvent être proposée (77) si les approches antérieures se révèlent insuffisantes (16) (78). Pour un meilleur résultat, le traitement par orthèse est commencé à 6 mois (55). L’orthèse peut entrainer une dermatite de contact, des plaies de pression, une irritation cutanée localisée, une transpiration malodorante et un stigmate de l’utilisation du casque (62) (68). Le recours à la thérapie par casque est coûteux (1000 à 5000 $ USA(53) (68) et actuellement non remboursé par la CPAM. Pour éviter les interventions coûteuses et invasives telles que les orthèses crâniennes (14) et les conséquences dans la vie future (79), le traitement du manque de mobilité cervicale durant la première semaine de vie est crucial (17).

Plagiocéphalie : quel traitement ?

L’ostéopathie par ses capacités à débloquer en douceur les verrouillages cervicaux notamment de l’articulation C0/C1, à relâcher les tensions musculaires va favoriser le développement des territoires suturaux fortement mécano-dépendant et permettre l’alternance spontanée du positionnement de la tête entrainant par mécano transduction la croissance osseuse locale et l’amélioration significative de la rondeur du crâne (80). L’Inserm (81), confirme que : « l’ostéopathe possède des compétences spécifiques pour agir sur les dysfonctionnements crâniens et traiter les plagiocéphalies ».  En effet, l’ostéopathe va pouvoir équilibrer et harmoniser des accumulations de liquide cérébrospinal (LCR), souvent présentent chez les nouveau-nés plagiocéphales, dans les régions de croissance compensatrices (82). Cette dilatation des espaces subarachnoïdiens transmises par les pulsations crâniennes jouent un rôle important dans le développement des malformations du crâne des nourrissons (83). De nombreux spécialistes envisagent l’ostéopathie comme traitement possible des plagiocéphalies (16) (62) (67) (84) (85). L’ostéopathie est très plébiscitée par les parents (17) (86) et les enfants de moins de 2 ans représentent 10% des consultations en ostéopathie(81). En corrigeant les dysfonctions fréquentes de la mandibule chez les enfants plagiocéphales, le traitement ostéopathique va favoriser l’allaitement maternelle qui est un des facteurs limitant les risques de plagiocéphalie (11) (13) (16) et une prérogative de nombreuses organisations, nationales et internationales, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Haute Autorité de Santé (HAS) (87) (88).

Quelques études confirment l’efficacité de l’ostéopathie à réduire l’aplatissement crânien et améliorer la motricité de l’enfant plagiocéphale. En 2006, en France une étude rétrospective portant sur 649 enfants (89), a mis en évidence une corrélation significative entre la plagiocéphalie et les dysfonctions de la synchondrose sphéno-occipital mais aussi entre le dysfonctionnement de la rotation de l’occiput sur l’atlas et le côté de l’aplatissement. L’analyse statistique de cette étude montre une prédominance significative de garçons (60,7%), né d’une mère primipare (49,1%). L’auteur propose qu’un examen ostéopathique néonatal complet puisse identifier les enfants prédisposés à développer une plagiocéphalie. Entre 2006 et 2017, 4 études ont été publié, leurs résultats démontrent un effet bénéfique au traitement ostéopathique dans le traitement des plagiocéphalies installées. En 2006 à l’université d’Heidelberg, une étude par vidéo-analyse (90) a prouvé qu’un traitement ostéopathique au cours des premiers mois de vie améliore considérablement le degré d’asymétrie posturale. Plus récemment en 2011 au Canada (91), les résultats d’une étude confirment l’hypothèse qu’un traitement ostéopathique suivi toutes les deux semaines contribuent à l’amélioration des asymétries crâniennes chez les nourrissons de moins de 6 mois et demi. En 2016 en Espagne, a été réalisé une étude portant sur des nourrissons d’environ 6 mois atteints de plagiocéphalie sévère, les résultats montrent que l’ostéopathie ajoutée au traitement standard des plagiocéphalies sévères réduit la durée du traitement et permet d’obtenir un score de développement moteur adéquat et une forme de crâne plus ronde plus rapidement (92). Enfin en 2017, l’étude italienne(93) confirme l’hypothèse selon laquelle le traitement ostéopathique contribue à l’amélioration des asymétries crâniennes chez les nourrissons de moins de 6 mois et demi présentant une plagiocéphalie. 90% des enfants traités ont montré une diminution significative des mesures antropométriques, 50% affichaient une déviation de l’oreille de moins de 4% et 30% n’avaient plus d’asymétrique de positionnement de l’oreille. Ces études montrent toutes une amélioration statistiquement significative des asymétries crâniennes des nourrissons ayant une plagiocéphalie installée. Le traitement ostéopathique doit être associé à la prévention parentale qui est cruciale (64) (95) mais optimale avant les 4 mois de l’enfant (91). Selon une étude médicale (86), la transmission des gestes de prévention est mieux assimilée lorsqu’elle est expliquée verbalement par un ostéopathe. Des exercices basés sur une approche sensitivomotrice (96) favorisent l’instrumentation du membre supérieur négligé en cas d’installation d’une préférence positionnelle cervicale. L’intégration du membre supérieur stimulée par les récepteurs sensoriels de l’enfant, rééquilibre la musculature cervicale et favorise le remodelage du crâne de l’enfant (6). Etant libre de ses mouvements, si les parents ont de bonnes habitudes de précaution de la plagiocéphalie, alors l’enfant va mobiliser ses cervicales des deux côtés, développer ses acquisitions sensori-motrices bilatéralement et rapidement renforcer sa chaine musculaire postérieure.

Bibliographie