Comment l’ostéopathie peut améliorer l’expérience de l’allaitement?

De nombreuses organisations, nationales et internationales, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Haute Autorité de Santé (HAS) recommandent d’allaiter exclusivement au sein pendant les six premiers mois (1) (2) (3). Peu de dyades mère-enfant atteignent ces recommandations (4). Selon les statistiques Françaises en 2013 (5),  le taux d’allaitement est passé de 60 % à 74 % entre 2004 et 2013, rendant la pratique de plus en plus fréquente. Selon les statistiques anglaises, 81% des mères britanniques commencent l’allaitement maternelle, 46% allaitent exclusivement au sein une semaine plus tard, 23% à 6 semaines et malgré le taux élevé d’initiation, seulement 1% des mères allaitent exclusivement pendant la durée recommandée de 6 mois (6). De nombreuses études ont mis en évidence les nombreux avantages à l’allaitement maternel exclusif pour la santé, notamment la réduction des risques de maladies infantiles courantes ; la leucémie infantile et la mort subite du nourrisson (7), ainsi qu’une réduction de l’obésité, du diabète de type 1 et 2 et l’amélioration de la santé psychologique et de meilleurs liens affectifs (7) (8) (9). Pour certaines femmes ce choix sera facile à mettre en pratique et pour d’autres, certaines difficultés pourront venir faire entrave à cette décision. L’allaitement peut être un moment extraordinaire entre maman et bébé, mais dès qu’une problématique s’installe, la situation peut rapidement dégénérer, car l’allaitement se doit d’être rapidement efficace pour une bonne prise de poids du bébé. Souvent, les mères qui vivent des problématiques en lien avec l’allaitement se culpabilisent. En France, seulement 59% des femmes réussissent à allaiter exclusivement à la maternité et les problèmes d’allaitement dans les premiers jours sont courants (10) (39). La moitié des mères qui arrêtent d’allaiter au cours du premier mois font état de problèmes biomécaniques dans la succion du nourrisson (11). Nombreux professionnels de l’allaitement ont étudié de manière approfondie la biomécanique de la succion (12) (13) (14) (15) (16). Cependant, ces professionnels se sentent souvent impuissants lorsque des difficultés de succion biomécaniques persistent chez les nourrissons malgré leurs conseils (17) (18). Le modèle de succion mature et nourrissant d’un bébé consiste en une série très organisée mais individuelle de succions entremêlées de pause et de respiration. Il implique une coordination entre de nombreux muscles supra hyoïdiens et notamment ceux de la langue, du pharynx, de la thyroïde, de la région cervicale antérieure et du diaphragme thoracique (19). Un allaitement efficace est considéré quand le nourrisson réussi à verrouiller, sucer, avaler et respirer (20)  (21). La mise en place de ces comportements optimaux, en particulier ceux liés au système musculosquelettique, constituent la base de l’efficacité du traitement ostéopathique à favoriser l’allaitement maternel.

Et si les difficultés d’allaitement venaient du bébé ?

Le relâchement transitoire et inappropriée du sphincter inférieur de l’œsophage est le principal mécanisme conduisant au RGO (5). Normalement cet “anneau” s’ouvre pour laisser passer les aliments de l’œsophage à l’estomac et se ferme pour éviter les remontées. Ainsi en cas de RGO, les aliments ne sont plus bloqués dans l’estomac et remontent vers la bouche. Chez le bébé, ce sphincter est souvent immature à la naissance et il va naturellement se renforcer peu à peu, dans les premiers mois de vie. Le relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage est favorisé par la distension gastrique et l’augmentation de la pression intra-abdominale. Les nouveau-nés souffrent de régurgitations probablement aussi à cause du régime liquide et de la posture en position couchée  (6) (12). Lors de reflux trop fréquent, le RGO peut finalement devenir pathologique, bien que cette différenciation soit difficile à définir. Les recommandations conjointes de les Société nord-américaine (NASPGHAN) et européenne (ESPGHAN) de gastroentérologie pédiatrique définissent le RGO Pathologique comme une remontée du contenu gastrique provoquant des symptômes « gênants » (13). La définition des symptômes « gênants » chez les nourrissons est vague en raison de l’absence de description des signes par le bébé qui ne peut pas s’exprimer par la parole.

Pendant la grossesse et à la naissance, des forces de compression sont exercées sur la tête fœtale. Le crâne qui se moule au bassin osseux de la maman peut parfois, au cours de certaines grossesses et/ou lors d’accouchements recevoir une compression plus grande. Ces compressions peuvent créer des tensions muscules, fasciales et des blocages articulaires. Nombreuses structures peuvent être perturbées en anténatale ou lors d’un accouchement : le crâne, la région cervicale, la région dorsale, l’articulation temporo-mandibulaire (mâchoire), le bassin, etc. Toutes ces structures peuvent avoir une influence sur les mécanismes de succion – déglutition et donc influencer l’allaitement.

Le réflexe de succion et de déglutition sont les premières fonctions motrices présentes chez le fœtus. Le réflexe de déglutition (avaler) est présent entre la 12e et la 14e semaine de gestation, tandis que le réflexe de succion lui apparait entre la 15e et la 18e semaine. Déjà dans le ventre de maman, le fœtus tète son poing, sa main et son cordon ombilical. Votre bébé s’exerce donc à devenir un champion de l’allaitement très tôt dans sa vie fœtale. La maturation des mécanismes de succion et de déglutition se fait dans les premiers jours de vie et la coordination entre ces mécanismes se fait grâce à certains nerfs crâniens qui se situent à la base du crâne de votre bébé. Cette région est particulièrement sollicitée lors de l’accouchement et peut-être comprimée et compromettre une bonne activité motrice nécessaire à une bonne succion.

Lors d’un allaitement optimal, le bébé doit ouvrir largement la bouche, s’attacher au sein et créer une aspiration avec sa lèvre inférieure. La langue a un rôle crucial par ses mouvements de piston péristaltiques. Elle doit travailler conjointement avec la mâchoire pour entrainer le contenu du lait dans la bouche et initier la déglutition. Une coordination réussie de ces activités repose sur une mobilité optimale et une bonne coordination. (22). En raison de la complexité des problèmes en jeu, une approche à plusieurs niveaux visant à promouvoir l’allaitement est recommandée (23).

L’ostéopathie par ses capacités à débloquer les verrouillages cervicaux notamment l’articulation C0/C1 et à relâcher les tensions musculaires cervicaux, favorise une bonne mobilité de la tête (24) et ainsi libère le nerf hypoglosse (25) qui est essentiel pour les mouvements de la langue. L’ostéopathie a été étudiée et documentée dans la prise en charge des troubles de l’allaitement et l’approche est prometteuse (26) (25) (27) (28). Plusieurs auteurs ont décrit des dysfonctionnements crâniens et des restrictions des sutures du crâne liées à des difficultés d’allaitement. Frymann (29), dans une étude exploratrice sur l’effet de la naissance sur 1 255 nouveau-nés, a révélé que plus de 88% des nourrissons présentaient des restrictions crâniennes. LalauzePol (30), basé sur une cohorte de plus de 1 000 bébés, a identifié différentes restrictions concernant les sutures du crâne et leur effet potentiel sur les nerfs crâniens impliqués dans le processus de succion. L’Inserm (31), confirme que : « l’ostéopathe possède des compétences spécifiques pour agir sur les dysfonctionnements crâniens. » Carreiro (32) et Sergueef (33) ont tous deux soutenu l’hypothèse qu’une compression fœtale pendant la grossesse et/ou l’accouchement peut affecter l’os hyoïde impliqué dans la coordination de la succion et la stabilité de la langue. En 2017, une étude a démontré qu’un traitement ostéopathique aide à l’allaitement chez les nourrissons présentant des difficultés biomécaniques de succion (25). Dans cette étude a haut niveau de preuve scientifique, l’intervention ostéopathique a nettement favorisé l’allaitement en comparaison au groupe témoin recevant un traitement simulé. Après l’intervention ostéopathique, le verrouillage optimal du bébé au sein  était de 65,8% contre 45,8% dans le groupe simulé. De même, le maintient optimal du nourrisson au mamelon était de 87,8% dans le groupe traité par ostéopathie contre 72,9% dans le groupe témoin. Dans une autre étude (28), 93% des mères ont signalé une amélioration de l’alimentation et une satisfaction à l’égard des soins manuels fournis. Avant le traitement manuel, 26% des nourrissons étaient nourris exclusivement au sein et lors de l’enquête de suivi, 86% des mères ont déclaré allaiter exclusivement au sein. L’observation de ses résultats positifs constituent une étape importante pour mieux comprendre comment les ostéopathes peuvent aider les enfants ayant des difficultés de succion. De plus en plus maternités intègrent des ostéopathes au milieu de la périnatalité pour aider ces bébés qui ont des difficultés d’allaitement.

Ce que l’ostéopathe pourra vérifier lors de son intervention :

  • La forme du palais;
  • La capacité du nourrisson à ouvrir la bouche;
  • Est-ce que l’ouverture de la bouche se fait de façon symétrique;
  • La présence ou non d’un torticolis;
  • Une restriction de mobilité au niveau cervical;
  • La position pour prendre le sein, est-ce que globalement le bébé semble confortable;
  • La présence d’ankyloglossie : est-il possible que le  frein de la langue soit court ?

Pour permettre une succion et un allaitement plus  efficace, votre ostéopathe pourra aider votre bébé par son intervention en allant traiter les structures suivantes:

  • Les condyles de l’occiput (articulation entre la tête et le cou);
  • La région cervicale;
  • L’ATM (articulation temporo-mandibulaire ou mâchoire);
  • Les muscles du pourtour de la bouche;
  • Les os de la face;
  • Le bassin et la colonne vertébrale.

De plus, par son intervention globale, l’ostéopathe pourra permettre :

  • La mobilité et la posture adéquate de la tête, du cou et des  épaules;
  • L’énergie du bébé pour avoir la capacité de téter;
  • La possibilité d’être bien dans son corps pour avoir une position confortable lors de l’allaitement.

Cette « remise en route » pourra améliorer la capacité du bébé à téter, à avoir une succion efficace et être capable de déglutir de la bonne façon. Tout en travaillant en collaboration avec votre consultante en lactation et la maternité de l’IHFB, votre ostéopathe est un des professionnels de la santé qui peut vous aider à vivre l’expérience de l’allaitement de la meilleure façon possible.

Bibliographie