Dans le contexte de la grossesse où peu de médicaments sont autorisés et où les anti-inflammatoires sont contre-indiqués, il peut être intéressant de faire appel à un ostéopathe.

Lombalgie de la femme enceinte, une douleur très fréquente

La lombalgie est définie comme une douleur dans la région lombaire située au-dessous des côtes inférieures et au-dessus des plis fessiers (1). La grossesse est l’un des facteurs prédisposants de cette douleur (2). D’ailleurs, la lombalgie est plus fréquente chez les femmes enceintes que chez les femmes non enceintes du même âge (25% contre 6,3%) (3) et sa prévalence varie de 24 à 90%. Cette prévalence augmente avec la durée de la grossesse et est plus élevé au troisième trimestre (4) (5).

Les lombalgies de la femme enceinte peuvent perturber le sommeil, empêche les femmes d’aller au travail et interfère avec les activités quotidiennes telles que se pencher, nettoyer, marcher. Plus d’un tiers des femmes déclarent avoir un mal de dos sévère (6). Cette douleur est responsable de difficultés dans les activités de la vie quotidienne chez 80% des femmes enceintes, une perte de travail chez 30 à 57% (7) (8), une des difficultés à marcher chez 73% d’entre elles (9) et 58% ont des problèmes de sommeil (8). L’absence de traitement des lombalgies pendant la grossesse peut contribuer à l’inactivité physique, entraînant une incidence plus élevée de complications obstétricales (10) et de césariennes (11) (12).

Aie mon dos !!! Pourquoi j’ai mal ?

La grossesse s’accompagne de profonds changements hormonaux et musculo-squelettiques qui favorisent des douleurs dans la région lombaire (13).  L’action hormonale synergique entre l’œstrogène, la progestérone et la relaxine entrainent, par un ramollissement des cartilages et des ligaments, une hyperlaxité indispensable aux changements posturaux. En effet, à mesure que le fœtus se développe, les muscles de la paroi abdominale se distendent entrainant un déplacement vers l’avant du centre de gravité. L’équilibre devient plus difficile et le corps s’adapte en augmentant les courbures, notamment au niveau lombaire. Cela provoque une hyperlordose lombaire avec une marche qui nécessite une base de soutien plus importante. Dans la mesure où la musculature du corps agit avec une plus grande intensité pour lutter contre la gravité, elle commence à se fatiguer et les ligaments doivent alors supporter une partie de la charge. Tout mouvement brusque peut alors blesser l’une de ces structures musculo ligamentaire déjà sursollicité. Parallèlement à cela, la démarche normale peut être altérée par une rétraction des muscles ischio-jambiers et une faiblesse des muscles fessiers, ce qui augmente les risques de souffrance lombaire. En particulier, il faut tenir compte de l’importance du muscle psoas, qui est de loin le plus puissant fléchisseur de la hanche. L’origine du muscle psoas s’attache sur les vertèbres lombaires, ce qui permet de déduire que lorsque cette musculature reste tendue pendant une période prolongée (comme la période de la grossesse), la courbure lombaire est accentuée et peut déclencher une lombalgie (14).

Ainsi ces modifications posturales, associées à un contrôle musculaire inefficace, peuvent contribuer au développement de dysfonctions articulaires, ligamentaires et myofasciales (15) (16) (17). Si certaines structures chez une femme enceinte présentent déjà des faiblesses avant la grossesse et s’il n’y a pas assez de potentiel pour s’adapter ou pour compenser les changements, cela peut entraîner des lombalgies (18).

Quel traitement possible ?

Avant de discuter du traitement, il serait peut-être plus approprié d’énoncer les mesures préventives. Sans aucun doute, l’hygiène posturale est l’une des mesures de base pour la prévention de la lombalgie pendant la grossesse (14). Une autre des mesures préventives consiste à éviter le style de vie sédentaire. Le repos au lit n’a aucune base scientifique, il s’est d’ailleurs avéré inefficace et même contre-productif (19). Le repos de plus de 2 jours, chez la femme enceinte, prolonge l’invalidité car il favorise l’augmentation du poids, ce qui détériore l’état de surcharge sur la colonne vertébrale et accentue la perception d’invalidité. Les effets de l’immobilisation sont donc négatifs (20). En ce sens, le Collège Américain d’Obstétrique et de Gynécologie encourage la pratique de l’exercice physique pendant la grossesse et évoque ses avantages sur la réduction des douleurs lombaires pendant la grossesse (21). Les directives européennes recommandent elles, de prendre en charge les lombalgies liées à la grossesse en conseillant de rester actif, de poursuivre les activités et le travail quotidiens, et en proposant des exercices individualisés (16).

Pendant la grossesse, le traitement de la douleur est plus complexe car l’arsenal thérapeutique disponible est plus limité. Il doit être interdisciplinaire en prenant en compte les implications pour la mère et le fœtus et, dans la mesure du possible, optimiser les alternatives thérapeutiques non pharmacologiques (14). Les protocoles mécaniques pour le traitement de la lombalgie chez la femme enceinte consistent à réduire les lordoses lombaires par des exercices de renforcement abdominal, des mobilisations sacro-iliaques et l’éducation aux techniques appropriées pour soulever et manipuler des objets, et pour dormir et s’asseoir (20) (22). À cet égard, Peterson (23) a constaté que la majorité des femmes enceintes sous traitement chiropratique ont signalé une amélioration significative de leur douleur.

Les femmes enceintes ont souvent recours à une thérapie complémentaire (Acupuncture, ostéopathie, chiropractie, etc…) pour prendre en charge les affections courantes associées à la grossesse (24). Des recherches Australiennes indiquent qu’environ la moitié (52,0%) des femmes ont utilisé au moins une thérapie complémentaire pendant la grossesse (25). La littérature indique que le massage, la chiropratique, l’ostéopathie, l’acupuncture, l’exercices sont couramment utilisés par les femmes enceintes pour gérer leur lombalgie (26) (27) (28) (29) (30).

Et l’ostéopathie dans tout ça ?

L’ostéopathie est une approche de santé qui met l’accent sur le rôle du système musculo-squelettique en utilisant une variété de techniques manuelles (31). D’un point de vue ostéopathique, les douleurs lombaires ressenties par les femmes enceintes sont dû à des blocages (32) qui sont secondaires aux changements hormonaux (33) et aux changements structurels liés au développement du fœtus (34). Les recherches ostéopathiques étudiant l’efficacité de l’osteopathie pendant la grossesse ont le plus souvent abordé les changements biomécaniques. Plusieurs études ont montré des augmentations de mouvement après un traitement ostéopathique (35) (36) (37) (38) (39), appuyant l’hypothèse selon laquelle l’ostéopathie soulage les douleurs des femmes enceintes en améliorant le mouvement et la fonction biomécanique (31) (40).

De plus, il est possible que ces modifications posturales, secondaires à la croissance fœtale, impose aux tissus une charge mécanique trop importante entrainant une réponse inflammatoire nociceptive (41). Une récente étude (42) a conclu qu’une activité inflammatoire légère mais significative est impliquée dans le développement et la progression de la grossesse, et qu’une telle inflammation pourrait avoir un rôle dans le développement des douleurs. Une étude ostéopathique (43) a montré une diminution des concentrations des facteurs inflammatoires chez les patients atteints de lombalgie chronique ayant reçu un traitement ostéopathique, suggérant un mécanisme de réduction de l’activité inflammatoire par l’osteopathie dans le traitement des douleurs. Les effets hypoalgésiques d’une variété de techniques manuelles sont bien rapportés et il a été prouvé que l’ostéopathie réduit la sensibilité à la douleur (44) (45) (46) (47). Il est donc probable que les techniques manuelles modulent la douleur par le biais de mécanismes neurophysiologiques (48) (49).

Une efficacité prouvé scientifiquement

Plusieurs revues de littérature scientifique ont confirmé qu’il existait des preuves scientifiques que l’ostéopathique constitue un traitement sûr et efficace contre les douleurs rachidiennes chez les femmes enceintes (26) (30) (50) (51) (52) (53). Six études ont démontré des effets positifs en faveur du traitement osteopathie contre la douleur (54) (55) (56) (57) (58) et cinq en ce qui concerne l’état fonctionnel (58) (54) (57) (55) (56). Licciadore (64) (59) a prouvé que l’ostéopathie peut retarder, voire empêcher une aggravation des lombalgies au cours du troisième trimestre de la grossesse. Et dans son étude en 2013 (59), l’osteopathie a permis d’éviter 40% des douleurs chroniques. En 2014, Rohrich (57) a prouvé que le traitement ostéopathique chez la femme enceinte entraine une diminution de 60 % de l’intensité des douleurs et une amélioration des activités quotidiennes chez 55 % des femmes. Les résultats de l’étude de Peters ont montré qu’après traitement ostéopathique, l’intensité des douleurs lombo-pelviennes était en moyenne réduite de 68 % (56). L’ostéopathie n’est pas uniquement destinée à réduire les douleurs musculaires et squelettiques, ce type de traitement peut avoir une influence positive sur la durée de la naissance et la prévention des complications à la naissance (60). Malgré certaines préoccupations concernant l’utilisation de thérapies manuelles par les femmes enceintes, Oswald (29) affirment que très peu d’effets indésirables ont été rapportés dans la littérature. Les conclusions des récentes revues de littérature (56) (61) (62) suggèrent que les thérapies manuelles sont sûres et efficaces pendant la grossesse et les recommandent par rapport à aucun traitement.

Comment tourner le dos aux douleurs… Quelques petits conseils à appliquer à la maison

Combattre les douleurs lombaires passe aussi par une bonne hygiène de vie qui ménagera au maximum votre dos. Quelques règles de base:

  • Une activité physique régulière : la marche, la natation, le yoga mais aussi de la gymnastique douce et des exercices de bascule du bassin. En effet, lorsque vous avez mal, vous n’avez pas envie de bouger mais néanmoins il est important de conserver une activité physique. Contrairement aux idées reçues, le repos n’est pas la meilleure option pour récupérer. C’est pourquoi, à la maternité de l’Institut Hospitalier Franco-Britannique, nous vous proposons des cours collectifs de « gestion de la douleur pendant la grossesse et l’accouchement » par des exercices sur ballon adaptés à la grossesse et ciblés sur vos douleurs.
  • Du repos : bien dormir enceinte, c’est aussi la clé du bien-être !
  • Une prise de poids raisonnable (10 à 12 kg)
  • De bonnes postures au quotidien :
    • Quand vous êtes assise, pensez à garder le dos bien droit, éventuellement à l’aide d’un coussin qui soutient votre bassin ou d’un repose pieds.
    • Gardez votre dos bien droit lorsque vous devez vous baisser, en faisant plutôt travailler les jambes.
    • Portez équitablement une charge à gauche et à droite pour ne pas avoir un déséquilibre au niveau de la colonne vertébrale.
    • Prenez garde quand vous devez attraper un objet en hauteur : avoir les coudes plus hauts que les épaules augmente la cambrure lombaire.
  • Évitez les talons hauts. Au-delà de la dangerosité de la chose (chutes, entorses…), les talons accentuent une cambrure déjà bien trop marquée et donc les maux de dos.

Bibliographie