Etat des lieux de la prématurité

Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé et d’autres organisations (1), 15 millions de nourrissons naissent prématurément chaque année. En outre, l’incidence mondiale des naissances prématurées est en augmentation (1), de sorte que la prématurité est en train de devenir un problème de santé publique majeur dans le monde (2). Les naissances avant 37 semaines de gestation sont responsable de plus de 50% d’effets secondaires néfastes chez les enfants (3). Un faible âge gestationnel et un faible poids à la naissance sont associés à de nombreuses complications développementales. Cela aura pour conséquence une augmentation des coûts psychologiques, physiques et économiques (4) (5). De plus, les conséquences de la prématurité ne se limitent pas à la période périnatale mais peuvent s’étendre tout au long de la vie sous la forme de handicaps ayant un impact important sur le bien-être social et la santé, tels que des déficiences sensorielles (principalement visuelles, auditif), des difficultés d’apprentissage, des déficit de l’attention et de coordination altérée (1) (6) (7).

Explication scientifique aux conséquences de la prématurité

Les prématurés sont prématurément privés de stimulations cutanées pendant le développement intra-utérin par le contact de la peau avec le liquide amniotique et les parois utérines. Il a été démontré que ces sensations sont impliquées dans la croissance et le développement neurologique corrects du nourrisson (8) (9). Outre cette privation sensorielle précoce, la prématurité donne lieu à d’autres facteurs associés, tels que l’absence de contact continu entre les parents et leurs nouveau-nés en raison de la nécessité pour ces derniers de rester dans les unités de soins intensifs néonatals, ce qui a un effet négatif sur le développement psychologique et biologique de l’enfant (10) et du bien-être de ses parents (11). Plusieurs études ont mis en évidence une augmentation du niveau de stress et d’anxiété chez les parents de prématurés, en raison de leur manque de contact avec leur nouveau-né et de leur sentiment d’être incapable de protéger leurs enfants contre des expériences stressantes et douloureuses (12) (13). La pratique du toucher minimal, qui est répandue dans de nombreuses unités de soins néonatals (14) (15), entraîne également une plus grande privation de la stimulation tactile. Ces dernières années, la connaissance de ces facteurs a conduit de nombreuses unités de soins néonatals à commencer à introduire une série d’actions de soins basées sur les principes somatique (stimulation du système somatosensoriel), kinesthésique (stimulation par le mouvement) et sensoriel (stimulation des sens: visuel, auditif et visuel) et la stimulation tactile, olfactive et gustative, dans le but de faciliter le développement neuromoteur et émotionnel des prématurés (16) (17) (18). Néanmoins, dans certains hôpitaux (19), l’approche basée sur le «toucher minimal» prévaut encore dans les soins des nourrissons prématurés, selon des études suggérant qu’un toucher excessif pendant les procédures quotidiennes (comme l’alimentation, les examens et les changements de couches) est associé à une hypoxémie. Presque toutes les preuves suggèrent qu’il existe des risques associés au toucher basés sur les soins et non au toucher par le massage (20) (21) (22). Une explication possible des effets de ces deux types de toucher est que le massage est un toucher doux et apaisant pour l’enfant prématuré, tandis que le toucher associé à les procédures de routine sont souvent inévitablement inconfortables et/ou douloureuses (administration de vaccins, pose de cathéters et de tubes, prélèvement de sang, prélèvement, etc.). De plus, le massage est appliqué une ou deux fois par jour, tandis que les contacts médicaux et infirmiers se produisent tout au long de la journée (23) (24). Ces différences expliquent pourquoi le toucher thérapeutique a des avantages autres que ceux du soin. L’une des interventions les plus couramment utilisées pour fournir aux prématurés une stimulation somatique (stimulation du système somatosensoriel à partir de plusieurs modalités jusqu’aux récepteurs sensoriels qui recouvrent la peau, les muscles, les os et les articulations) (25) est le « Massage Thérapeutique ».

La place de l’ostéopathie dans le développement des nourrissons ?

Un grand nombres études ont rapporté que l’administration de diverses formes de stimulation somatique avait un effet bénéfique sur les facteurs liés à la croissance des prématurés (14) (26) (27) (28) (29) (30) (31) (32) (33). Notamment l’étude menée par Haley (34), qui visait à mesurer les effets du protocole de massothérapie sur le métabolisme osseux, les résultats ont conclu que la stimulation tactile kinesthésique affecte positivement la croissance osseuse et la minéralisation des nouveau-nés prématurés. Parmi les causes suggérées de ces bénéfices anthropométriques, certains auteurs ont indiqué une augmentation de l’activité vagale (27) (28) (35), une augmentation de l’activité gastrique (27) (35) et une augmentation des taux sériques d’insuline et d’IGF-1 (28).

Plusieurs études ont montré des effets statistiquement significative pour la prise de poids (14) (26) (27) (28) (29) (30) (31) (32) (33) (36) (37) (38) (39) (40) (41). Un gain de poids a été observé à la fin de la mise en œuvre du protocole de massage et/ou à la sortie de l’hôpital (27) (32) (38), tandis que d’autres études ont montré des bénéfices à 2 mois (14) (26) (36).

Un autre des avantages prouvés de la stimulation tactile appliquée aux nouveau-nés prématurés est un meilleur développement neurologique. Dans l’étude menée par Ferreira et Bergamasco (37), cet effet a été démontré par des schémas de mouvements plus matures et une plus grande organisation des réponses chez les nourrissons notamment au niveau de la succion, des périodes de vigilance et une diminution de l’hypotonie. Fucile et Gisel (29) et Ho et al. (39) ont également observé un meilleur développement moteur chez les prématurés ayant reçu une stimulation somatique et kinesthésique. Ces derniers auteurs ont constaté que l’administration de « Massages Thérapeutiques » procurait de plus grands avantages aux nourrissons dont la situation était médiocre au début. En 2010, Procianoy (41) a publié une étude indiquant que ces bénéfices étaient toujours observés à l’âge corrigé de 2 ans. L’influence positive de la stimulation somatique sur le développement du cerveau chez les prématurés a également été démontrée dans deux études menées par Andrea Guzzetta (38) (42). Ces auteurs ont proposé l’implication possible de l’IGF-1 en tant que mécanisme sous-jacent et ont noté que, lorsqu’un protocole de massage était administré, la maturation cérébrale extra-utérine des prématurés à faible risque ressemblait au processus de maturation qu’ils auraient eu si leur développement avait continué in utero. Les autres avantages des massages administrés aux nouveau-nés prématurés hospitalisés sont notamment une diminution du risque de septicémie néonatale (40), une réduction du nombre de jours d’hospitalisation (40) (39) et une réduction du stress du nouveau-nés (43) (44).

Certaines études ont déterminé les effets des protocoles de massage par des mesures par électrocardiographie (43) (43), par électroencéphalographie (27) (38) (42), par électro-gastrographie (27) (35) et la mesure des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (38). Ces études ont conclu qu’une augmentation de l’activité vagale et de la motilité gastrique peut être à la base des effets de la massothérapie sur la prise de poids du prématuré. L’électroencéphalogramme a permis de démontrer que le massage avait une influence sur le développement du cerveau et, en particulier, sur le développement visuel. Dans plusieurs des études, les résultats ont été mesurés par des échantillons de sang: nombres de lymphocytes T, de lymphocytes B et de cellules NK et cytotoxicité des cellules NK (45), triglycérides (36) (31), insuline (38), IGF-1 (33) (38), IGFBP3 (38), glucose (42), cortisol (38), hormones thyroïdiennes (38) et leptine et adiponectine (33). Les changements dans les échantillons de sang analysés ont mis en évidence certains des mécanismes sous-jacents de la prise de poids (augmentation de l’insuline, de l’IGF-1 et de l’adiponectine en circulation), du développement du cerveau et de la maturation visuelle (augmentation de l’IGF-1 et de l’IGFBP3) ou du développement du système immunitaire (cellules NK).

En quoi consiste le Massage Thérapeutique ?

Le massage thérapeutique peut être défini comme «l’application manuelle d’une technique sur les tissus mous superficiels de la peau, des muscles, des tendons, des ligaments et du fascia (ainsi que sur les structures situées dans le tissu superficiel). La technique manuelle consiste en une application systématique du toucher, d’effleurage, de frottement, de vibration, de percussion, de pétrissage, d’étirement, de compression ou de mouvement articulaire passif et actifs dans le cadre des mouvements physiologiques normaux » (46). Sinha (47) élargit la définition du massage en y incorporant l’utilisation de technique manuel et mécanique : «toute technique, manuelle ou mécanique, qui transmet de l’énergie mécanique aux tissus mous du corps à travers la peau (…) Afin de provoquer un certain effet physiologique ou psychologique (…) peut être défini comme un massage ». Plus précisément, le massage pour nourrisson est considéré comme «un toucher méthodologique destiné à stimuler l’enfant par différentes méthodes, mais la plupart consistent en une stimulation tactile» (23). Les auteurs de ses définitions semblent volontairement inclure les techniques Ostéopathiques Pédiatriques dans le Terme « Massage Thérapeutique ». D’ailleurs les études réalisées sur l’intérêt d’une prise en charge ostéopathique dans le traitement des nouveau-nés prématurés, ont montré des résultats similaires aux études sur le « Massage Thérapeutique ».

Efficacité de l’Ostéopathie Pédiatrique chez les prématurés

Une Méta analyse de 2017 (48) a répertorié les études analysant l’efficacité de l’ostéopathique dans le traitement des nouveau-nés prématurés. La thérapie ostéopathique a permis de réduire significativement la durée de séjour (environ de 2,71 jours) et la diminution des coûts hôspitaliers. Les études incluses avaient une population totale de 1306 prématurés nés dans des unité de soins néonatales européennes. Quatre études ont été menées en Italie (49) (50) (51) (52), et 1 en Autriche (53). La méthodologie utilisée dans toutes les études a révélé une grande homogénéité de recrutement, de population, et de type de groupe de contrôle. Les études ont, principalement, considéré la diminution de durée de séjour comme le critère principale (49) (50) (51) (52) mais aussi les symptômes intestinaux (49), le coûts (50) (51) (52), le gain de poids quotidien (51) (52), l’évacuation du méconium associée à une prise de poids au retour à la maison (53). Fait intéressant, plus l’intervention ostéopathique est précoce, plus le bénéfice est important pour les nouveau-nés. En fait, il peut être souligné que les nouveau-nés nés très prématurés (<32 semaines) peuvent bénéficier d’avantages plus élevés. Chez les grands prématurés, l’adjuvance de traitement ostéopathique aux soins courants entraine une réduction de près de 9 jours d’hospitalisation, chez les prématuré modérés une moyenne de 3,08 jours alors que chez les bébé peu prématuré une réduction de 2 jours d’hospitalisation. En ce qui concerne les événements indésirables, aucun des essais inclus n’a signalé d’effet indésirable. Du point de vue clinique, l’utilisation d’ostéopathique sembleraient être un choix souhaitable en complément aux soins habituels (48). Ainsi l’ostéopathie chez le nouveau-né prématuré pourrait être recommandé en tant que traitement adjuvant dans le programme de routine des unités de soins néonataux et pourrait soutenir une approche multidisciplinaire.

Mécanismes d’action possibles de l’Ostéopathie

Les études médicales ont montré que les nouveau-nés prématurés ont un niveaux plus élevés de substances circulantes pro-inflammatoires (Il-8 et cytokines) (54) (55) (56) associé à une immaturité du système végétatif, notamment de la modulation parasympathique cardiaque (57) (58).

Du point de vue ostéopathique, des modifications de la variation de la fréquence cardiaque ont été enregistrées après l’application des techniques de libération myofasciale (59) (60). Pour cette raison, l’application de l’ostéopathie pourrait équilibrer les apports sympathiques et parasympathiques, créant une amélioration de l’état clinique du nouveau-né (49). En spéculant sur les autres mécanismes d’actions possibles de l’ostéopathie chez le nouveau-nés prématurés, on envisage que l’ostéopathie est associée à une réduction des substances pro-inflammatoires (61) (62) se basant sur le rôle anti-inflammatoire de l’ostéopathie partiellement confirmé par les récentes recherche clinique (63). L’ostéopathie pourrait réduire la libération de cytokines et l’activité sympathique créant une cascade d’événements biologiques et neurologiques capables de moduler les mécanismes inflammatoires (64) (65). Une étude récente a démontré que le traitement ostéopathique pouvait réduire le processus inflammatoire en agissant principalement sur les facteurs anti-inflammatoires (66). En outre, Degenhardt et al ont suggéré que l’ostéopathie pourrait jouer un rôle dans l’augmentation de la réaction des opioïdes (67). Plus récemment, des preuves préliminaires en laboratoire ont montré que les techniques ostéopathiques avaient un effet spécifiques sur l’amélioration du système lymphatique et immunitaire (68) (69) en améliorant le nombre de leucocytes et d’interleukine-8 (IL-8). Ces constatations ont été confirmé dans une étude qui a montré des différences significatives dans le niveau de ces molécules entre le groupe traité par ostéopathie et le groupe témoin (70). L’ostéopathie pourrait donc avoir un effet sur le profil immunologique de cytokines spécifiques en circulation et les leucocytes. Ainsi, les recherches in vitro et in vivo suggèrent que le traitement ostéopathique a des effets anti-inflammatoires et parasympathiques  (59) (66) (71) (72) et ces effets pourraient permettre l’amélioration de l’état clinique des nouveau-nés prématurés.

Bibliographie

Le développement du cerveau est un processus prolongé qui commence in utero et se poursuit chez l’homme tout au long de la vie. Le développement du cerveau est guidé non seulement par un plan génétique de base, mais également par un large éventail d’expériences allant des stimuli sensoriels aux relations sociales en passant par le stress. La complexité de la stimulation précoce peut moduler les trajectoires de développement du cerveau et induire des modifications à long terme des circuits neuronaux sous-tendant, des modifications durables de la structure et du fonctionnement du cerveau (1) (2). L’enrichissement de l’environnement accélère fortement la maturation des systèmes sensoriels (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9), agissant sur les facteurs moléculaires impliqués dans le développement du cortex cérébral et sur la plasticité, tels que le facteur de croissance insuline-like 1 (IGF-1), le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) et la transmission GABAergique (3) (4) (10) (11) (12) (13) (14) (15). Il est intéressant de noter qu’une expérience enrichie limitée à quelques semaines de vie est déjà suffisante pour influer sur le développement du cerveau (4) (16) et contribue à façonner les différences interindividuelles, IGF-1 devenant un médiateur crucial dès le début d’un environnement stimulant (4) (16) (17). À l’opposé, des recherches empiriques ont fourni des preuves accablantes que l’appauvrissement précoce de l’environnement, en termes de développement et de conditions de vie défavorables, pourrait avoir une influence néfaste sur le développement des enfants (18) (19).

L’environnement peut-il vraiment modifier le développement cérébral ?

Des études sur la privation tactile et somatosensorielle au cours des premières semaines de développement ont montré que les premières expériences sont essentielles pour un développement sensorimoteur normal. Nissen (20) a élevé un chimpanzé mâle muni de tubes en carton aux quatre extrémités, de 1 à 31 mois. Bien que le chimpanzé puisse marcher plus tard, il ne pouvait initialement pas saisir avec ses doigts, ni grimper, ni se toiletter ni s’asseoir normalement. Même avec une période de récupération prolongée, le chimpanzé n’a jamais été capable de s’assoir comme le feraient les chimpanzés normaux. Thompson et Melzack (21) ont élevé des Scottre-terriers en isolement sensoriel dès la naissance, protégés de toute expérience douloureuse par un rembourrage. Une découverte surprenante était que les chiens n’avaient aucune réaction aux stimuli douloureux et n’avaient pas appris à les éviter. Une expérience précoce de la douleur apparaît nécessaire pour le développement normal du système nociceptif (22) (23). Harlow étudia systématiquement les effets de la privation sociale chez les singes (24) (25). Dans les premières études, les bébés singes recevaient deux singes «mères» en fils, l’un recouvert de tissu éponge doux mais ne fournissant pas de nourriture, tandis que l’autre, en fils ordinaires, avait un biberon attaché. Si le rôle des mères était de fournir de la nourriture, on pourrait s’attendre à ce que les nourrissons passent plus de temps près de la mère qui fournit de la nourriture, mais les bébés singes ont passé beaucoup plus de temps attaché à la mère en tissu qu’à la mère qui fournit la nourriture. Harlow a conclu: «Ces données montrent clairement que le confort au contact est une variable d’une importance primordiale dans le développement de la réponse affective, alors que l’allaitement est une variable d’une importance négligeable» (25). D’autres études ont montré que le contact avait joué un rôle important dans la réduction de la peur et la sécurité. Harlow a placé les bébés singes dans des pièces étranges qu’ils pouvaient explorer, soit en présence de la mère porteuse en tissu, soit en son absence. Les singes ont utilisé leur mère de substitution comme base sécurisée pour explorer la pièce en la quittant brièvement puis en se dépêchant de se réconforter avant de faire de longues incursions dans la pièce. En l’absence de la mère porteuse, les singes étaient bouleversés et s’accroupissaient souvent, se jetaient, basculaient, criaient et pleuraient (25). Bien que les effets d’être élevé dans des orphelinats ne soient généralement pas considérés comme un cas de privation sensorielle, les orphelinats roumains du régime communiste ont présenté ce que l’on devrait appeler une privation sensorielle. Ces institutions étaient sinistres et les nourrissons et les enfants qui y vivaient avaient une existence stérile qui était à peine meilleure que les singes élevés par la mère de Harlow. Les enfants ont été élevé avec un soignant pour 25 nourrissons. Le résultat a été un ralentissement dramatique du développement physique et cognitif chez ces enfants malheureux. Lorsque le gouvernement communiste est tombé, les enfants ont été adoptés par des familles aimantes dans des pays occidentaux tels que le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et l’Australie, dans l’espoir que les effets des premières expériences déshéritées pourraient être inversés. Malheureusement, cela n’était vrai que chez les enfants adoptés avant 12-18 ans. Après cet âge, les enfants sont restés gravement cicatrisés et plus de 25 ans plus tard, ils présentent toujours un déficit cognitif et émotionnel important, notamment une baisse de QI d’environ 15 points ou plus, un cerveau plus petit, une activité électrique anormale du cerveau et de nombreux déficits cognitifs et sociaux chroniques graves. (26) (27) (28).

Une expérience sensorielle appropriée est donc essentielle au développement adaptatif du cerveau et du comportement. Mais est-il possible de fournir une stimulation sensorielle améliorée pendant le développement ?

Les neurosciences comportementales ont aussi une longue tradition d’étude par la stimulation sensorielle qui consiste à placer les animaux dans des environnements beaucoup plus stimulant que la mise en cage de laboratoire standard. L’un des premiers exemples ayant été décrit par Hebb (29). Il a amené des rats de laboratoire chez lui, où ils ont été traités comme des animaux de compagnie. Lorsque les rats ont été renvoyés au laboratoire pour des tests sur divers problèmes de labyrinthe, ils ont surpassé leurs compagnons de portée élevés en laboratoire. La conclusion de Hebb était qu’un environnement plus stimulant améliorait la fonction cérébrale et que cette amélioration était à la base de l’amélioration des performances sur les tâches cognitives. De nombreuses preuves démontrent désormais que les animaux vivant dans des environnements plus stimulants ont des cerveaux très différents de ceux vivant dans des cages de laboratoire. Krech (30) a publié un document de référence qui plaçait les jeunes animaux dans des environnements complexes pendant 80 jours après le sevrage. Lorsqu’ils ont par la suite examiné le cerveau des rats, ils ont constaté que le cortex cérébral était plus lourd et que son activité acétylcholinestérase était accrue. Ainsi, l’expérience a changé la structure du cerveau et sa chimie. Dans une étude parallèle, ils ont également montré que les niveaux d’acétylcholinestérase plus élevés prédisaient une amélioration de la capacité de résolution de problèmes. Au fil de leurs expériences, ils ont mis au point un protocole expérimental pour tenter de déterminer exactement ce que pourraient être les expériences clés. Les centaines d’études sur les effets de la stimulation enrichie révèlent généralement que les animaux ont des avantages sensoriels, moteurs et cognitifs importants par rapport à leurs compagnons de portée élevés en laboratoire, les avantages sont corrélés à un large éventail de différences neurochimiques, morphologiques et épigénétiques. L’ampleur des effets de l’enrichissement est impressionnant. Seulement 30 jours de stimulation enrichie chez les jeunes rats peuvent augmenter le poids du cerveau d’au moins 5% et ces changements semblent persister pendant le reste de leur vie. Dans des études sur les effets de l’élevage de rats sevrés dans de grands groupes sociaux (6 à 8 animaux de même sexe) dans des environnements stimulé, le poids cérébral augmente de 7% à 10%, et ceci est associé à une augmentation du nombre et de la densité des vaisseaux sanguins, taille et du nombres de dendrites et de synapses, de la glie dans le néocortex, de l’hippocampe. Il existe également une production accrue d’une variété de facteurs de croissance connus pour améliorer le développement du cerveau (31). Et bien que les premières études aient été réalisées sur des rats, il existe maintenant des études sur un large éventail d’animaux, y compris les insectes, les poissons, les oiseaux et les mammifères (y compris les humains), montrant la puissance de ce type d’expérience pour modifier le cerveau. Une question légitime à poser est de savoir quelles expériences dans les études d’enrichissement produisent les changements généralisés dans le cerveau et le comportement. Il est impossible de répondre à cette question car il s’agit probablement de l’interaction d’événements moteurs, sensoriels, sociaux et cognitifs vécus dans des logements complexes. Mais il est possible de séparer certaines des expériences pour avoir une idée de leur rôle. L’un des plus puissants semble être la stimulation tactile.

A quel point la Stimulation Tactile peut-elle développer le cerveau ?

La peau est extrêmement sensible au toucher, même dans l’utérus et à la naissance, la stimulation tactile procure une stimulation puissante liée au lien avec les parents et à l’exploration de l’environnement. La stimulation tactile (ou massothérapie), parfois associée à une stimulation kinesthésique (déplacement des membres), a été étudiée comme traitement pour les prématurés depuis les années 1970 (32) (33) (34) (35) (36) (37) (38) (39) (40) (41). La conclusion générale est que la stimulation tactile plusieurs fois par jour pendant environ 15 minutes entraîne un gain de poids et une augmentation de la densité osseuse chez les prématurés, améliore le développement moteur, favorise la maturation cérébrale, diminue le risque de septicémie et de stress du nouveau-né. Un programme officiel, le programme de soins et d’évaluation du développement individualisé du nouveau-né (NIDCAP), a été mis au point pour améliorer la qualité du fonctionnement neurodéveloppemental du nourrisson dans certaines néonatalogies. Un élément central des soins stimulants est la stimulation tactile. Des essais contrôlés randomisés longitudinaux ont montré une amélioration du développement moteur, affectif et cognitif en corrélation avec des améliorations significatives de l’EEG (électroencéphalographie) et de la morphologie du cerveau (IRM) par rapport à ce qui est généralement observé chez les prématurés non traités (42).

Des études sur des animaux de laboratoire ont confirmé que la stimulation tactile chez le «rat normal» améliore considérablement le développement cérébral et comportemental. Par exemple, Guzzetta (16) a montré que la stimulation tactile chez les ratons accélérait la maturation de la fonction visuelle, ce qui était associé à une augmentation dans le cortex cérébral du taux de facteur de croissance IGF-1 (ILG-1). Il a également été démontré que la stimulation tactile pendant la petite enfance améliore le comportement moteur et cognitif à l’âge adulte, ce qui était corrélé aux modifications de l’organisation dendritique corticale et à l’expression du facteur de croissance des fibroblastes-2 (FGF-2) (43) (44) (45). En outre, la stimulation tactile a considérablement amélioré les effets des lésions cérébrales périnatales et, dans une autre étude, elle a inversé les effets lié au stress dû à la privation maternelle (46). Il a également été démontré que la stimulation tactile pendant la gestation chez le rat avait des effets bénéfiques sur le comportement et la morphologie du cerveau chez le rat adulte (44) (45). De plus, l’absence de stimulation tactile entre les nourrissons et les mères altère le développement social et affectif des singes en bas âge (24). Et plus récemment, Suomi (47) a montré influence du toucher chez les bébés singes pour réduire la peur et assurer la sécurité. Il a été démontré que les expériences vécues au début de la vie, telles que le nombre de léchage et de toilettage de rats nouveau-nés par leur mère, modifiaient les profils d’expression génique (48) (49). Les interactions avec entre la mère et le nouveau-né influencent la méthylation de l’ADN dans le cortex préfrontal des singes. Il est clair que la stimulation de la peau a un effet profond sur le développement du cerveau. En effet, la massothérapie semble avoir des effets bénéfiques à tout âge et peut réduire la douleur, l’anxiété, la dépression et renforcer la fonction immunitaire (50) (51).

Bibliographie

Comment l’ostéopathie peut améliorer l’expérience de l’allaitement?

De nombreuses organisations, nationales et internationales, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Haute Autorité de Santé (HAS) recommandent d’allaiter exclusivement au sein pendant les six premiers mois (1) (2) (3). Peu de dyades mère-enfant atteignent ces recommandations (4). Selon les statistiques Françaises en 2013 (5),  le taux d’allaitement est passé de 60 % à 74 % entre 2004 et 2013, rendant la pratique de plus en plus fréquente. Selon les statistiques anglaises, 81% des mères britanniques commencent l’allaitement maternelle, 46% allaitent exclusivement au sein une semaine plus tard, 23% à 6 semaines et malgré le taux élevé d’initiation, seulement 1% des mères allaitent exclusivement pendant la durée recommandée de 6 mois (6). De nombreuses études ont mis en évidence les nombreux avantages à l’allaitement maternel exclusif pour la santé, notamment la réduction des risques de maladies infantiles courantes ; la leucémie infantile et la mort subite du nourrisson (7), ainsi qu’une réduction de l’obésité, du diabète de type 1 et 2 et l’amélioration de la santé psychologique et de meilleurs liens affectifs (7) (8) (9). Pour certaines femmes ce choix sera facile à mettre en pratique et pour d’autres, certaines difficultés pourront venir faire entrave à cette décision. L’allaitement peut être un moment extraordinaire entre maman et bébé, mais dès qu’une problématique s’installe, la situation peut rapidement dégénérer, car l’allaitement se doit d’être rapidement efficace pour une bonne prise de poids du bébé. Souvent, les mères qui vivent des problématiques en lien avec l’allaitement se culpabilisent. En France, seulement 59% des femmes réussissent à allaiter exclusivement à la maternité et les problèmes d’allaitement dans les premiers jours sont courants (10) (39). La moitié des mères qui arrêtent d’allaiter au cours du premier mois font état de problèmes biomécaniques dans la succion du nourrisson (11). Nombreux professionnels de l’allaitement ont étudié de manière approfondie la biomécanique de la succion (12) (13) (14) (15) (16). Cependant, ces professionnels se sentent souvent impuissants lorsque des difficultés de succion biomécaniques persistent chez les nourrissons malgré leurs conseils (17) (18). Le modèle de succion mature et nourrissant d’un bébé consiste en une série très organisée mais individuelle de succions entremêlées de pause et de respiration. Il implique une coordination entre de nombreux muscles supra hyoïdiens et notamment ceux de la langue, du pharynx, de la thyroïde, de la région cervicale antérieure et du diaphragme thoracique (19). Un allaitement efficace est considéré quand le nourrisson réussi à verrouiller, sucer, avaler et respirer (20)  (21). La mise en place de ces comportements optimaux, en particulier ceux liés au système musculosquelettique, constituent la base de l’efficacité du traitement ostéopathique à favoriser l’allaitement maternel.

Et si les difficultés d’allaitement venaient du bébé ?

Le relâchement transitoire et inappropriée du sphincter inférieur de l’œsophage est le principal mécanisme conduisant au RGO (5). Normalement cet “anneau” s’ouvre pour laisser passer les aliments de l’œsophage à l’estomac et se ferme pour éviter les remontées. Ainsi en cas de RGO, les aliments ne sont plus bloqués dans l’estomac et remontent vers la bouche. Chez le bébé, ce sphincter est souvent immature à la naissance et il va naturellement se renforcer peu à peu, dans les premiers mois de vie. Le relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage est favorisé par la distension gastrique et l’augmentation de la pression intra-abdominale. Les nouveau-nés souffrent de régurgitations probablement aussi à cause du régime liquide et de la posture en position couchée  (6) (12). Lors de reflux trop fréquent, le RGO peut finalement devenir pathologique, bien que cette différenciation soit difficile à définir. Les recommandations conjointes de les Société nord-américaine (NASPGHAN) et européenne (ESPGHAN) de gastroentérologie pédiatrique définissent le RGO Pathologique comme une remontée du contenu gastrique provoquant des symptômes « gênants » (13). La définition des symptômes « gênants » chez les nourrissons est vague en raison de l’absence de description des signes par le bébé qui ne peut pas s’exprimer par la parole.

Pendant la grossesse et à la naissance, des forces de compression sont exercées sur la tête fœtale. Le crâne qui se moule au bassin osseux de la maman peut parfois, au cours de certaines grossesses et/ou lors d’accouchements recevoir une compression plus grande. Ces compressions peuvent créer des tensions muscules, fasciales et des blocages articulaires. Nombreuses structures peuvent être perturbées en anténatale ou lors d’un accouchement : le crâne, la région cervicale, la région dorsale, l’articulation temporo-mandibulaire (mâchoire), le bassin, etc. Toutes ces structures peuvent avoir une influence sur les mécanismes de succion – déglutition et donc influencer l’allaitement.

Le réflexe de succion et de déglutition sont les premières fonctions motrices présentes chez le fœtus. Le réflexe de déglutition (avaler) est présent entre la 12e et la 14e semaine de gestation, tandis que le réflexe de succion lui apparait entre la 15e et la 18e semaine. Déjà dans le ventre de maman, le fœtus tète son poing, sa main et son cordon ombilical. Votre bébé s’exerce donc à devenir un champion de l’allaitement très tôt dans sa vie fœtale. La maturation des mécanismes de succion et de déglutition se fait dans les premiers jours de vie et la coordination entre ces mécanismes se fait grâce à certains nerfs crâniens qui se situent à la base du crâne de votre bébé. Cette région est particulièrement sollicitée lors de l’accouchement et peut-être comprimée et compromettre une bonne activité motrice nécessaire à une bonne succion.

Lors d’un allaitement optimal, le bébé doit ouvrir largement la bouche, s’attacher au sein et créer une aspiration avec sa lèvre inférieure. La langue a un rôle crucial par ses mouvements de piston péristaltiques. Elle doit travailler conjointement avec la mâchoire pour entrainer le contenu du lait dans la bouche et initier la déglutition. Une coordination réussie de ces activités repose sur une mobilité optimale et une bonne coordination. (22). En raison de la complexité des problèmes en jeu, une approche à plusieurs niveaux visant à promouvoir l’allaitement est recommandée (23).

L’ostéopathie par ses capacités à débloquer les verrouillages cervicaux notamment l’articulation C0/C1 et à relâcher les tensions musculaires cervicaux, favorise une bonne mobilité de la tête (24) et ainsi libère le nerf hypoglosse (25) qui est essentiel pour les mouvements de la langue. L’ostéopathie a été étudiée et documentée dans la prise en charge des troubles de l’allaitement et l’approche est prometteuse (26) (25) (27) (28). Plusieurs auteurs ont décrit des dysfonctionnements crâniens et des restrictions des sutures du crâne liées à des difficultés d’allaitement. Frymann (29), dans une étude exploratrice sur l’effet de la naissance sur 1 255 nouveau-nés, a révélé que plus de 88% des nourrissons présentaient des restrictions crâniennes. LalauzePol (30), basé sur une cohorte de plus de 1 000 bébés, a identifié différentes restrictions concernant les sutures du crâne et leur effet potentiel sur les nerfs crâniens impliqués dans le processus de succion. L’Inserm (31), confirme que : « l’ostéopathe possède des compétences spécifiques pour agir sur les dysfonctionnements crâniens. » Carreiro (32) et Sergueef (33) ont tous deux soutenu l’hypothèse qu’une compression fœtale pendant la grossesse et/ou l’accouchement peut affecter l’os hyoïde impliqué dans la coordination de la succion et la stabilité de la langue. En 2017, une étude a démontré qu’un traitement ostéopathique aide à l’allaitement chez les nourrissons présentant des difficultés biomécaniques de succion (25). Dans cette étude a haut niveau de preuve scientifique, l’intervention ostéopathique a nettement favorisé l’allaitement en comparaison au groupe témoin recevant un traitement simulé. Après l’intervention ostéopathique, le verrouillage optimal du bébé au sein  était de 65,8% contre 45,8% dans le groupe simulé. De même, le maintient optimal du nourrisson au mamelon était de 87,8% dans le groupe traité par ostéopathie contre 72,9% dans le groupe témoin. Dans une autre étude (28), 93% des mères ont signalé une amélioration de l’alimentation et une satisfaction à l’égard des soins manuels fournis. Avant le traitement manuel, 26% des nourrissons étaient nourris exclusivement au sein et lors de l’enquête de suivi, 86% des mères ont déclaré allaiter exclusivement au sein. L’observation de ses résultats positifs constituent une étape importante pour mieux comprendre comment les ostéopathes peuvent aider les enfants ayant des difficultés de succion. De plus en plus maternités intègrent des ostéopathes au milieu de la périnatalité pour aider ces bébés qui ont des difficultés d’allaitement.

Ce que l’ostéopathe pourra vérifier lors de son intervention :

  • La forme du palais;
  • La capacité du nourrisson à ouvrir la bouche;
  • Est-ce que l’ouverture de la bouche se fait de façon symétrique;
  • La présence ou non d’un torticolis;
  • Une restriction de mobilité au niveau cervical;
  • La position pour prendre le sein, est-ce que globalement le bébé semble confortable;
  • La présence d’ankyloglossie : est-il possible que le  frein de la langue soit court ?

Pour permettre une succion et un allaitement plus  efficace, votre ostéopathe pourra aider votre bébé par son intervention en allant traiter les structures suivantes:

  • Les condyles de l’occiput (articulation entre la tête et le cou);
  • La région cervicale;
  • L’ATM (articulation temporo-mandibulaire ou mâchoire);
  • Les muscles du pourtour de la bouche;
  • Les os de la face;
  • Le bassin et la colonne vertébrale.

De plus, par son intervention globale, l’ostéopathe pourra permettre :

  • La mobilité et la posture adéquate de la tête, du cou et des  épaules;
  • L’énergie du bébé pour avoir la capacité de téter;
  • La possibilité d’être bien dans son corps pour avoir une position confortable lors de l’allaitement.

Cette « remise en route » pourra améliorer la capacité du bébé à téter, à avoir une succion efficace et être capable de déglutir de la bonne façon. Tout en travaillant en collaboration avec votre consultante en lactation et la maternité de l’IHFB, votre ostéopathe est un des professionnels de la santé qui peut vous aider à vivre l’expérience de l’allaitement de la meilleure façon possible.

Bibliographie

Votre bébé régurgite après la tétée ? A des douleurs ou de l’irritabilité au moment de téter ou de boire son biberon ? Votre bébé a des troubles du sommeil ? Il présente des problèmes respiratoires comme de la toux ou des bronchospasmes à répétition ? Il est alors possible qu’il souffre de reflux gastro-œsophagien (RGO).

Le RGO c’est quoi ?

Le RGO ou reflux gastro-œsophagien est une pathologie existante tant chez l’adulte que chez l’enfant, mais il est très fréquente chez le nouveau-né. C’est l’une des causes les plus courantes de symptômes digestifs chez les enfants (1) (2). C’est un remontée involontaire du contenu gastrique dans l’œsophage avec ou sans régurgitation externe (3) (4). En cas de régurgitation simple, il s’agit d’un phénomène physiologique normal et spontanément résolutif chez le nourrisson en bonne santé (4) (5) (6). Inversement, lorsque le reflux du contenu gastrique provoque des symptômes gênants et / ou des complications, on parle de RGO compliqué. La prévalence de la régurgitation chez les nourrissons atteint son maximum à l’âge de 4 mois et 50 à 85 % des nourrissons ont une régurgitation au moins une fois par jour (5) (7) (8) (9).  Le RGO survient chez près des deux tiers des nourrissons de moins de 4 mois, dont plus de la moitié deviennent asymptomatiques avant l’âge de 10 mois et 80 % à l’âge de 18 mois (10) (11).

Qu’est-ce qui provoque ses RGO ?

Le relâchement transitoire et inappropriée du sphincter inférieur de l’œsophage est le principal mécanisme conduisant au RGO (5). Normalement cet “anneau” s’ouvre pour laisser passer les aliments de l’œsophage à l’estomac et se ferme pour éviter les remontées. Ainsi en cas de RGO, les aliments ne sont plus bloqués dans l’estomac et remontent vers la bouche. Chez le bébé, ce sphincter est souvent immature à la naissance et il va naturellement se renforcer peu à peu, dans les premiers mois de vie. Le relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage est favorisé par la distension gastrique et l’augmentation de la pression intra-abdominale. Les nouveau-nés souffrent de régurgitations probablement aussi à cause du régime liquide et de la posture en position couchée  (6) (12). Lors de reflux trop fréquent, le RGO peut finalement devenir pathologique, bien que cette différenciation soit difficile à définir. Les recommandations conjointes de les Société nord-américaine (NASPGHAN) et européenne (ESPGHAN) de gastroentérologie pédiatrique définissent le RGO Pathologique comme une remontée du contenu gastrique provoquant des symptômes « gênants » (13). La définition des symptômes « gênants » chez les nourrissons est vague en raison de l’absence de description des signes par le bébé qui ne peut pas s’exprimer par la parole.

Comment faire la différence entre de simple Régurgitation et le RGO compliqué chez un bébé ?

  • Le reflux gastro-œsophagien simple  dit Régurgitation Simple se manifeste par une expulsion spontanée d’une petite quantité de lait (5 à 10ml) qui se fait sans effort. Cela correspond à un liquide blanchâtre, mélange de lait et de salive et se produit le plus souvent peu après la prise alimentaire. Ceci est inconfortable pour bébé mais pas d’inquiétude à avoir tant que cela n’affecte pas son appétit et sa prise de poids. Les Régurgitation se produisent chez 40 à 65% des nourrissons en bonne santé âgés de un à quatre mois (14).
  • Le reflux gastro-œsophagien compliqué se produit lorsque le reflux du contenu gastrique provoque des symptômes gênants, affectent la qualité de la vie ou provoquent des complications. Cela s’accompagne de pleurs, d’inconforts avec un bébé qui aura tendance à beaucoup se cambrer en arrière lors de la digestion. Il peut avoir des douleurs ou de l’irritabilité au moment des repas, des pleurs et agitation pendant et après la tété, des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes, des postures asymétriques du cou (syndrome de sandifer), des problèmes respiratoires comme de la toux, un gain de poids insuffisant (5) (15) (9). Ghaem et al. ont montré que les nourrissons atteints de RGO présentaient une prévalence plus élevée de troubles du sommeil et un retard significatif du sommeil la nuit (16). Plusieurs études ont suggéré un lien entre le RGO et les symptômes respiratoires et un certain nombre de mécanismes physiopathologiques sont proposés pour l’expliquer, notamment l’aspiration du contenu gastrique dans l’arbre respiratoire (17) (18). Attention le RGO n’est pas forcément synonyme de régurgitations, en effet, le contenu gastrique peut sortir de l’estomac, remonter dans l’œsophage sans pour autant remonter jusqu’à la bouche. Les symptômes gênants du RGO sont souvent non spécifiques et peuvent être causés par d’autres affections liées à l’enfance, telles que l’allergie aux protéines du lait de vache, la sténose du pylore, la suralimentation, la fistule trachéo-œsophagienne ou la constipation (19). Chez les enfants, la prévalence des allergies alimentaires est estimée à environ 6 à 18% (20) (21).

Allergie aux protéines de lait de Vache et RGO ?

La régurgitation et les vomissements sont des manifestations cliniques bien connues de l’allergie alimentaire, principalement de l’allergie aux protéines du lait de vache (ACPM), qui représente l’allergie alimentaire la plus répandue chez les jeunes enfants (19). Nielsen et al. ont montré que 56% des enfants atteints de RGO grave présentaient un allergie aux protéines de lait de vache (22). Des études antérieures sur l’allergie alimentaire associée à des RGO chez les enfants ont montré des résultats similaires indiquant une association chez 43% à 48% des enfants (23) (24). Alors que la prévalence des diagnostics de RGO et d’allergies alimentaires a augmenté au cours de la dernière décennie, parallèlement à l’augmentation du nombre de prescriptions d’inhibiteurs de la pompe à protons et d’antagonistes des récepteurs H2, des questions se posent quant aux effets possibles d’une modification du pH gastrique sur le développement de l’allergie alimentaire (19). D’après des études chez l’animal, les médicaments antiacides entravent la digestion gastrique des protéines, avec le potentiel de formation de nouvelles protéines alimentaires, susceptibles de favoriser la synthèse des IgE spécifiques et de provoquer une allergie alimentaire (25). Trikha et al. ont montré que les enfants exposés à des inhibiteurs de l’acide gastrique dus au RGO étaient deux fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic d’allergie alimentaire après un an de traitement que les témoins sains (26).

À quel âge cesse le reflux gastro-œsophagien ?

En règle générale, les régurgitations atteignent leur maximum à 4 mois (67%), commencent à diminuer vers 6 à 7 mois (21%) (15) et disparaissaient entre 10 et 14 mois (5%) lorsqu’ils passent à un régime plus solide et acquièrent une maturation neurodéveloppementale et une posture plus droite (6) (7) (27). Pourtant, dans une étude chez des jeunes adultes diagnostiqués dans l’enfance avec un RGO, il a été montré que près de 80% de ces patients présentaient au moins une fois par mois des brûlures d’estomac et/ou une régurgitation et un tiers prenait des médicaments antisécrétoires ou des inhibiteurs de la pompe à protons (28). Une autre étude suggère que chez un pourcentage important d’enfants atteints de RGO, les symptômes peuvent persister tout au long de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte (19).

Le traitement du Reflux, un réel défi

Malgré la forte prévalence de la maladie, le RGO reste un défi, même pour le clinicien expérimenté. La gestion conservatrice est l’approche actuelle de première ligne en matière de RGO infantile. Cela va des modifications de l’alimentation et de la posture à la modification du régime alimentaire des nourrissons. Il existe des preuves de l’efficacité des épaississants pour lait infantile dans la réduction de la régurgitation visible (29) (30) (31) (32). Cependant, les épisodes de régurgitation interne ne sont probablement pas réduits (29). Les patients atteints de RGO douloureux peuvent également bénéficier d’un changement de position du corps, en les maintenant verticalement ou en position ventrale éveillée sous surveillance après les tétés (33) (34). Cependant, en raison de l’incidence accrue du syndrome de mort subite du nourrisson, il est déconseillé de mettre les bébés couchée sur le ventre pendant leur sommeil (4). Si cette prise en charge initiale n’améliore pas les symptômes, en raison du chevauchement fréquent entre le RGO et l’allergie aux protéines de lait de vache, les recommandations pédiatriques actuelles préconisent un essai de régime sans protéines de lait de vache de 2 à 4 semaines, soit en excluant le lait de l’alimentation maternelle du nourrisson allaité, soit en utilisant une préparation hydrolysée chez le nourrisson non allaité (19). En cas de signes douloureux trop important, les médicaments antisécrétoires constituent le traitement médicamenteux de base des patients atteints de RGO (19).

Et comment l’ostéopathie peut-elle soulager le RGO de mon bébé ?

Nombreux gastroentérologues s’entendent sur le fait que les nouveau-nés souffrent de régurgitations probablement à cause du régime liquide, de la posture en position couchée, d’un relâchement du sphincter inférieure de l’œsophage favorisé par la distension gastrique et l’augmentation de la pression intra-abdominale (5) (6) (12). Plusieurs études ostéopathiques sur l’adulte (35) (36) (37) (38) corroborent cette hypothèse de l’apparition du Reflux secondairement à un relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage. En modifiant la posture dorso-lombaire et les tensions viscérales et musculaires notamment au niveau du diaphragme, l’ostéopathie favorise une diminution de la pression intra abdominale, une amélioration de l’activité gastrique (39) entrainant une meilleure fermeture du sphincter inférieur de l’estomac. D’autres études (40) (41) confirment que le traitement ostéopathique par son action sur le diaphragme augmente considérablement la tonicité du sphincter inferieur de l’œsophage et permet ainsi la fermeture de cette valve en dehors des repas. L’efficacité du traitement ostéopathique a aussi été démontré en mesurant le PH salivaire (42). Il a été prouvé que suite à l’intervention ostéopathique, le PH est nettement moins acide et donc moins corrosif pour l’œsophage, limitant ainsi les risques de brulure de l’œsophage.

Chez le bébé, l’apparition du RGO est peut-être aussi d’ordre neurologique. Méconnu médicalement, l’explication vient du fait que les nerfs qui contrôlent notamment la déglutition et la digestion passent au niveau occipitale (nuque). Cette zone peut subir des contraintes et irriter le passage des nerf crâniens N°10 (nerf vague), nerf n° 9 (glosso-pharyngien) et le nerf 12 (hypoglosse) pendant la grossesse, lors de l’expulsion et parfois après la naissance. Dès lors toutes les irritations et compressions de ces nerfs peuvent engendrer une dysfonction du fonctionnement du sphincter inférieur de l’œsophage favorisant un RGO. Des études ont montré que la correction tissulaire de la base du crane et de la colonne supérieure chez l’enfant réduit les symptômes gênants du RGO (43) (44).

Ainsi, Le choix des axes de travail sont différents d’un bébé à l’autre simplement car les reflux peuvent être causés par un ou plusieurs facteurs qui diffèrent d’un enfant à l’autre.

En complément du traitement ostéopathique, Il est possible de diminuer la survenue des régurgitations en appliquant quelques conseils pratiques concernant l’alimentation :

  • Respecter les quantités. Ne confondez pas un besoin de succion et un besoin de manger. N’oubliez pas que si l’estomac de l’adulte peut être comparable à un ballon de baudruche qui peut varier de volume, celui de votre bébé est un seau qui déborde si on le rempli de trop…
  • Faire attention à ce que le nourrisson n’ingurgite pas trop d’air (vérifier que sa tétine soit remplie de liquide mais pas d’air).
  • Régler la vitesse si cela est possible de la tétine, sinon incliner le biberon vers l’horizontale tout en vérifiant le premier principe. Si du lait sort de la bouche de bébé pendant qu’il tète, le débit est trop important pour lui.
  • Veillez à ce que des bulles se créent au moment de la tétée. Si ce n’est pas le cas, desserrer la bague du biberon, ça devrait être mieux.
  • Ne pas hésiter à faire une pause pendant le repas et à lui faire faire son rot, plus il évacue l’air de son estomac, moins votre bébé sera sujet à régurgiter. Si cela ne vient pas et qu’il réclame trop, c’est reparti.
  • Eviter tout ce qui pourrait comprimer l’abdomen du bébé pendant son repas (votre avant-bras mal positionné, votre ventre, etc…)
  • Et ne pas sauter le rot à la fin du repas ! Prendre son temps pour que votre bébé fasse son rot et ses gaz avant de le recoucher.
  • Enfin ne pas mettre sur le dos votre bébé de suite après un repas, la position dorsale favorise les remontées alimentaires. Par contre sous surveillance et éveillé, vous pouvez mettre votre bébé sur le ventre. Cette position favorise la sortie du rot et la digestion comme plusieurs études médicales l’ont prouvé mais attention ne jamais laisser dormir votre bébé sur le ventre à cause de la Mort Subite du Nourrisson.
Bibliographie

La plagiocéphalie : mais qu’est-ce s’est réellement ?

La déformation crânienne positionnelle est une asymétrie résultant de l’application de forces externes sur le crâne malléable du nourrisson(1). Si les forces sont réparties uniformément, le crâne s’aplatit de manière symétrique à l’arrière du crâne, ce qui entraîne une brachycéphalie. Si les forces sont réparties de manière inégale, la tête prend une forme asymétrique, ce qui entraîne une plagiocéphalie positionnelle. La plupart des auteurs classifient les plagiocéphalies selon deux types(2) ; les plagiocéphalies occipito-pariétale présentant uniquement un plat unilatéral à l’arrière du crâne et les plagiocéphalies fronto-pariétale caractérisées par un plat unilatéral à l’arrière du crâne, une bosse frontale du même coté et souvent une asymétrie de la face (3). La fréquence des plagiocéphalies a très nettement augmenté ces dernières années (4) quand l’American Academy of Pediatrics (5) a recommandé de coucher les nourrissons sur le dos pour prévenir la Mort Subit du Nourrisson. En France notamment, les témoignages des médecins vont dans le sens d’une augmentation constante(6). L’incidence des plagiocéphalies est selon les auteurs d’environ 46,6 % (7) à 61% (8) et 63,8 % des plagiocéphalies sont classifiées dans les formes modérées à sévères (9).

Quelles peuvent en être les causes ?

Les facteurs de risque communément rapportés (10) sont le sexe masculins (72%), les enfants nés d’une mère primipare (45%), les accouchements assistés par instrument (45%), enfants nés prématurément (32%) ou d’une grossesse multiple (9%). Le manque de temps sur le ventre (11) (12), d’activité de l’enfant (12) (13), le déficit de motricité oculaire (14) (15), l’allaitement artificiel (11) (16) sont aussi connus comme facteurs favorisant les déformation crânienne. Pour de nombreux chercheurs, le facteur de risque crucial des plagiocéphalies (17) est le déséquilibre de mobilité cervicale, à type de torticolis postural dit « préférence positionnelle» ou de torticolis musculaire congénital, dû à la position fœtale et/ou à l’accouchement. La prévalence plus élevée d’aplatissement de l’occiput droit (9) a conduit les auteurs (18) (19) à penser que la plagiocéphalie est liée aux circonstances gestationnelles favorisant un déséquilibre musculaire cervicale chez 70 à 95% des plagiocéphales (20).

Pourquoi mon bébé a la tête plate ?

Ainsi, l’hypertonie du muscle sterno-cléido-occipito-mastoïdien (SCOM) controlatéral à l’aplatissement (18) (19) entraine une non variation de la tête pendant le sommeil (21) (22) favorisant l’aplatissement du côté de la position préférentielle de couchage (23). Le méplat constitué, l’enfant a tendance à se caler sur cette surface crânienne plate, plus stable qu’une surface sphérique. Par confort, l’enfant garde cette habitude de couchage et le méplat se pérennise (24) favorisant l’orientation du regard vers le coté de la rotation cervicale. Le déficit de motricité oculaire induit va augmenter la compensation en attitude vicieuse (14) (15) (25) modifiant l’organisation des coordinations perceptuelles-motrices émergentes et entrainant une sensorimotricité œil-main-bouche unilatérale. Le développement étant soumis aux expériences induites par le milieu dans lequel on vit, les dispositifs d’installation comme les transats ou cosy limitent l’accès de l’enfant à son environnement et favorisent un calage postural. Une triade torticolis, déformation crânienne, acquisition sensori-motrice unilatérale augmentée par de mauvaises habitudes environnementales semble donc s’auto-induire et s’auto-augmenter (1) (11). Tout nourrisson avec « une position cervicale préférée » devrait être considéré comme ayant un déséquilibre cervical, un torticolis, jusqu’à avérer autrement (18) car la plagiocéphalie est fortement associée à la durée et à la force de l’orientation asymétrique de la tête entre 3 et 6 semaines (22).

Bébé a la tête plate, est-ce dangereux ?

Beaucoup de médecins considèrent que la plagiocéphalie n’entraine qu’une symptomatologie mineure sans conséquences, néanmoins de nombreuses études prouvent que la plagiocéphalie est responsable de conséquences défavorables multiples (26). Elle est responsable de troubles de la vision  (27) en affectant le champ visuel provoquant des strabismes (28), astigmaties sur l’œil controlatérale au méplat (29) (30) (31). En effet, les ptosis (paupières moins ouvertes) unilatéraux fréquents dans les plagiocéphalies entrainent un astigmatisme même si la pupille n’est pas occluse totalement (32). Un nombre croissant de recherches fournit des preuves que la plagiocéphalie perturbe la santé bucco-dentaire (33). Elle peut provoquer des dysmorphologies de la mandibule, un déplacement antérieur de l’articulation temporo-mandibulaire, créer des troubles de l’occlusion à l’âge adulte(34) avec des problèmes de malocclusion et de mastication(35) (36) (37). Dans certaines plagiocéphalie apparaît une déformation asymétrique intrinsèque de la mandibule (38) pouvant affecter la succion (35). La malposition des oreilles liée à une plagiocéphalie affecte aussi le drainage de la trombe d’eustache pouvant entrainer des otites (39) (40). Les chercheurs retrouvent aussi des conséquences sur la posture avec des anomalies de la statique vertébrale (41), du tonus musculaire (12) (13), une diminution de l’équilibre entre 3 et 5 ans (42), des scolioses idiopathiques (43), confirmant ainsi que cette problématique ne se limite pas à des répercussions d’ordre esthétique. De nombreuses études suggèrent des retards significatifs de développement sur le plan cognitif et psychomoteur (10) (44) (45) (46) (47) (48) à type de retard moteur  (49) (50) (51), de trouble de l’apprentissage du langage (52), d’un besoin plus fréquent de soutien scolaire et paramédical (53) (54). Aucun effet dose-réponse ne semble apparaitre entre la sévérité du méplat et les conséquences psychomotrices engendrées (47) (52) (55). La plagiocéphalie favorise des retards dans le développement des compétences motrices et cognitifs par les substrats biologiques qu’ils partagent (56) (57).

A quel moment mon bébé risque-t-il de se déformer le crane ?

La plagiocéphalie touche les très jeunes enfants avec un risque d’installation accru entre 3 semaines et 4 mois (13). Il est communément admis que les plagiocéphalies ne disparaissent pas sans intervention et ont tendance à s’accentuer avec le temps (1). Les études sur l’évolution des déformations crâniennes sont unanimes sur le fait que le taux de correction des déformations crâniennes diminue à mesure que les nourrissons vieillissent, et une quantité importante d’asymétrie est encore présente à 12 mois (1). 46% des plagiocéphales à douze mois l’étaient toujours à 2 ans (13). Les suivis anthropométriques prouvent que les asymétries modérées à sévères persistent dans le temps en l’absence de traitement (26) (58) (59) (60). Cavalier (6) suggère qu’une intervention précoce, dès la maternité, permet de réduire significativement la prévalence de la plagiocéphalie à 4 mois de vie. La croissance du neurocrâne étant largement déterminée par la croissance du cerveau, qui se développe rapidement et atteint 90% de sa taille adulte à l’âge de 1 an (61), il est nécessaire de commencer le traitement au plus tôt (21) (24) (62) (63), dès la maternité (64). En effet, le torticolis postural étant fréquent chez 92% des nouveau-né à la naissance (18) et fortement sous-estimé par l’équipe médicale (14) (18), le traitement en maternité devrait être systématique. A 9 semaines, 92,7% des nourrissons présentent déjà un certain degré asymétrie crânienne (21) et 100% des nourrissons qui à 4 mois, ont une coté préférentiel, développent une plagiocéphalie (65).

Comment prévenir la plagiocéphalie ?

Lorsqu’un nourrisson a une préférence de position de tête, il a 4 fois plus de probabilité de développer une plagiocéphalie (66). Il est donc très important de réduire le déséquilibre musculaire chez les jeunes enfants atteints de torticolis(67). Le traitement le plus recommandé par les chercheurs est la prévention(68) par l’éducation parentale précoce  (64) en informant les parents sur les conseils de positionnement à adopter (17) (64) répertoriées par l’American Academy of Pediatrics(69). La prévention par repositionnement n’est possible que chez les nourrissons très jeunes et immobiles avant 4 mois (70) (71). Malheureusement, le repositionnement ne semble empêcher que partiellement l’apparition des plagiocéphalies (72) et est généralement inefficace pour corriger l’aplanissement établi (73). La kinésithérapie est prescrite (74) (75) (76), mais ne semble pas non plus pouvoir corriger entièrement les défauts de forme crânienne. Dans les cas de plagiocéphalies sévères ou réfractaires à un traitement conservateur, les orthèses crâniennes peuvent être proposée (77) si les approches antérieures se révèlent insuffisantes (16) (78). Pour un meilleur résultat, le traitement par orthèse est commencé à 6 mois (55). L’orthèse peut entrainer une dermatite de contact, des plaies de pression, une irritation cutanée localisée, une transpiration malodorante et un stigmate de l’utilisation du casque (62) (68). Le recours à la thérapie par casque est coûteux (1000 à 5000 $ USA(53) (68) et actuellement non remboursé par la CPAM. Pour éviter les interventions coûteuses et invasives telles que les orthèses crâniennes (14) et les conséquences dans la vie future (79), le traitement du manque de mobilité cervicale durant la première semaine de vie est crucial (17).

Plagiocéphalie : quel traitement ?

L’ostéopathie par ses capacités à débloquer en douceur les verrouillages cervicaux notamment de l’articulation C0/C1, à relâcher les tensions musculaires va favoriser le développement des territoires suturaux fortement mécano-dépendant et permettre l’alternance spontanée du positionnement de la tête entrainant par mécano transduction la croissance osseuse locale et l’amélioration significative de la rondeur du crâne (80). L’Inserm (81), confirme que : « l’ostéopathe possède des compétences spécifiques pour agir sur les dysfonctionnements crâniens et traiter les plagiocéphalies ».  En effet, l’ostéopathe va pouvoir équilibrer et harmoniser des accumulations de liquide cérébrospinal (LCR), souvent présentent chez les nouveau-nés plagiocéphales, dans les régions de croissance compensatrices (82). Cette dilatation des espaces subarachnoïdiens transmises par les pulsations crâniennes jouent un rôle important dans le développement des malformations du crâne des nourrissons (83). De nombreux spécialistes envisagent l’ostéopathie comme traitement possible des plagiocéphalies (16) (62) (67) (84) (85). L’ostéopathie est très plébiscitée par les parents (17) (86) et les enfants de moins de 2 ans représentent 10% des consultations en ostéopathie(81). En corrigeant les dysfonctions fréquentes de la mandibule chez les enfants plagiocéphales, le traitement ostéopathique va favoriser l’allaitement maternelle qui est un des facteurs limitant les risques de plagiocéphalie (11) (13) (16) et une prérogative de nombreuses organisations, nationales et internationales, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Haute Autorité de Santé (HAS) (87) (88).

Quelques études confirment l’efficacité de l’ostéopathie à réduire l’aplatissement crânien et améliorer la motricité de l’enfant plagiocéphale. En 2006, en France une étude rétrospective portant sur 649 enfants (89), a mis en évidence une corrélation significative entre la plagiocéphalie et les dysfonctions de la synchondrose sphéno-occipital mais aussi entre le dysfonctionnement de la rotation de l’occiput sur l’atlas et le côté de l’aplatissement. L’analyse statistique de cette étude montre une prédominance significative de garçons (60,7%), né d’une mère primipare (49,1%). L’auteur propose qu’un examen ostéopathique néonatal complet puisse identifier les enfants prédisposés à développer une plagiocéphalie. Entre 2006 et 2017, 4 études ont été publié, leurs résultats démontrent un effet bénéfique au traitement ostéopathique dans le traitement des plagiocéphalies installées. En 2006 à l’université d’Heidelberg, une étude par vidéo-analyse (90) a prouvé qu’un traitement ostéopathique au cours des premiers mois de vie améliore considérablement le degré d’asymétrie posturale. Plus récemment en 2011 au Canada (91), les résultats d’une étude confirment l’hypothèse qu’un traitement ostéopathique suivi toutes les deux semaines contribuent à l’amélioration des asymétries crâniennes chez les nourrissons de moins de 6 mois et demi. En 2016 en Espagne, a été réalisé une étude portant sur des nourrissons d’environ 6 mois atteints de plagiocéphalie sévère, les résultats montrent que l’ostéopathie ajoutée au traitement standard des plagiocéphalies sévères réduit la durée du traitement et permet d’obtenir un score de développement moteur adéquat et une forme de crâne plus ronde plus rapidement (92). Enfin en 2017, l’étude italienne(93) confirme l’hypothèse selon laquelle le traitement ostéopathique contribue à l’amélioration des asymétries crâniennes chez les nourrissons de moins de 6 mois et demi présentant une plagiocéphalie. 90% des enfants traités ont montré une diminution significative des mesures antropométriques, 50% affichaient une déviation de l’oreille de moins de 4% et 30% n’avaient plus d’asymétrique de positionnement de l’oreille. Ces études montrent toutes une amélioration statistiquement significative des asymétries crâniennes des nourrissons ayant une plagiocéphalie installée. Le traitement ostéopathique doit être associé à la prévention parentale qui est cruciale (64) (95) mais optimale avant les 4 mois de l’enfant (91). Selon une étude médicale (86), la transmission des gestes de prévention est mieux assimilée lorsqu’elle est expliquée verbalement par un ostéopathe. Des exercices basés sur une approche sensitivomotrice (96) favorisent l’instrumentation du membre supérieur négligé en cas d’installation d’une préférence positionnelle cervicale. L’intégration du membre supérieur stimulée par les récepteurs sensoriels de l’enfant, rééquilibre la musculature cervicale et favorise le remodelage du crâne de l’enfant (6). Etant libre de ses mouvements, si les parents ont de bonnes habitudes de précaution de la plagiocéphalie, alors l’enfant va mobiliser ses cervicales des deux côtés, développer ses acquisitions sensori-motrices bilatéralement et rapidement renforcer sa chaine musculaire postérieure.

Bibliographie