La question peut paraitre absurde de prime abord. Mais pour un ostéopathe c’est bien souvent une évidence : Oui l’ostéopathe peut soulager une partie des otites chroniques !

L’otite : à quoi cela correspond ?

Elle correspond à l’infection et l’inflammation de l’oreille. On distingue 3 types d’otites ; l’otite externe, l’otite moyenne aigue et l’otite séreuse. L’otite externe est une inflammation du conduit auditif externe due à une bactérie ou un champignon. L’otite moyenne aiguë est définie comme la présence d’un épanchement dans l’oreille moyenne avec des signes d’infection aiguë. L’otite séreuse est caractérisée par un épanchement rétro-tympanique sans processus infectieux aigue. En cas d’otite aigue, le liquide infecté dans l’oreille moyenne s’accompagne des symptômes comme l’otalgie, la fièvre, l’irritabilité, des problèmes de sommeil, un inconfort (comme se frotter ou se gratter les oreilles, parfois des douleurs abdominales et de la diarrhée). L’otite séreuse peut précéder et prédisposer au développement d’une otite moyenne aigue et/ou etre liée à un dysfonctionnement de la trompe d’Eustache d’origine virale (1).

L’otite un problème très rependu

L’otite moyenne aiguë, avec ses complications, est un problème mondial très répandu et coûteux. C’est une des infections les plus fréquentes chez les enfants de moins de ­6 ans (2) et la quasi-totalité des enfants auront expérimenté au moins un épisode à l’âge de 3 ans (3). Aux États-Unis, près de 40% des enfants ont un épisode d’otite moyenne aigue à l’âge de 6 mois (4), ce taux passant à plus de 60% à 12 mois (5) et à plus de 90% à 2 ans (6). La prévalence des otites a été en forte hausse des années 1970 jusqu’aux années 2000. L’otite est responsable de 90% des prescriptions d’antibiotiques chez l’enfants de moins de 2 ans aux Etats-Unis (6) et l’un des raisons les plus fréquentes de chirurgie chez l’enfants d’âge préscolaire. Il en résulte un poids médical et financier considérable. Le coût économique aux États-Unis est estimé à plus de 5 milliards de dollars, et ce coût a été observé de manière similaire dans d’autres pays (7) (8) (9). La perte de productivité professionnelle des parents au cours des 3 mois qui ont suivi un épisode d’otite représente près de 90% du coût estimé qui représente aux États-Unis environ 1 300 $ par épisode d’otite (10).

La complication la plus courante de l’otite aigue est l’épanchement persistant de l’oreille moyenne dit otite séreuse, associé à une perte auditive à court terme, à une acquisition insuffisante du langage et à des problèmes de comportement (11) (12) (13). L’épanchement de l’oreille moyenne dure généralement 1 à 3 mois après un épisode d’otite aigue (14) (15). En 2004, trois associations ont collaboré à l’élaboration d’un guide de pratique clinique pour les otites séreuse (16). L’effet à long terme de l’otite séreuse persistante sur la perte auditive et le développement de la parole fait encore l’objet de discussions: certaines études ont signalé des problèmes de développement de la parole et une perte auditive légère à haute fréquence à l’âge de 7 ans (14) (17) (18) (19) et à l’âge adulte (20) (21). Pour les enfants à risque de problèmes d’élocution, de langage ou d’apprentissage, il est recommandé d’attendre au moins trois mois d’otite séreuse persistante et une perte auditive avant de procéder à la chirurgie car des conséquences à long terme de l’insertion d’un tube ventilatoire ont été reconnues (21) (22). L’effet négatif de l’otite séreuse persistante sur la qualité de vie de l’enfant et de ses parents est étudié depuis plus de 15 ans (23) (24) (25) (26). En raison de la prévalence, du coût et des complications des otites séreuses, d’autres traitements complémentaires et médicaux sont à l’étude (27) (28) (29).

Un peu d’anatomie pour comprendre l’apparition des otites

L’oreille moyenne est la partie de l’appareil auditif comprise entre l’oreille interne et externe, creusé dans l’os temporal. Elle comprend le tympan ainsi que la chaine ossiculaire (le marteau, l’enclume, et l’étrier). La caisse du tympan assure la transmission des sons du milieu aérien de l’oreille externe, vers le milieu liquidien de l’oreille interne, par l’intermédiaire de la fenêtre ovale. Elle communique directement avec le pharynx via la trompe d’Eustache (trompe auditive). C’est un conduit oblique qui est habituellement aplati et fermé et qui s’ouvre au cours de la déglutition et du bâillement (30).

Puisque l’oreille moyenne est creuse, un environnement de haute pression (comme l’eau) pose le risque de crever le tympan. Pallier à ce risque est la fonction des trompes d’Eustache. Mais chez l’enfant en bas âge, la trompe d’Eustache est particulièrement vulnérable aux dysfonctions car elle est courte, perméable et horizontale. Durant les premières années de vie, plusieurs changement morphologiques de la base du crâne ainsi que le développement du massif facial permettent une maturation progressive de la trompe auditive. Notamment son positionnement qui, en grandissant, va présenter un angle moins horizontal, expliquant la diminution de la fréquence des otites moyenne aigue après 6-7 ans (31).

Stenstrom et Bylander-Groth (32) ont démontré à l’aide d’une chambre à pression permettant d’évaluer la fonction de la trompe d’Eustache, que les enfants sujets aux otites moyennes aigues récurrentes ont une fonction active de la trompe diminuée, comparé aux enfants sans otite moyenne aigue.

Au niveau anatomique, en cas d’allergie, sorties dentaires, rhinopharyngite, hypertrophie des végétations adénoïdes, succion de la tétine,…, les tissus entourant la trompe d’Eustache gonflent et la trompe d’Eustache immature reste bloquée. L’air présent dans l’oreille moyenne est lentement absorbé par les tissus environnants. Une forte pression négative crée un vide dans l’oreille moyenne, qui finit par atteindre un point où le liquide des tissus environnants s’accumule dans l’oreille moyenne entrainant une otite séreuse. Secondairement, le fluide peut s’infecter par des bactéries dormantes situées derrière le tympan. Le processus pathologique s’auto induit car la trompe d’eustache a une augmentation des cellules caliciformes pendant et jusqu’à au moins 6 mois après une otite aigue, ​​quelle que soit la bactérie à l’origine de la maladie. Or, cette augmentation contribue à l’excès de mucus et à la détérioration de la fonction de la trompe d’eustache. L’otite moyenne aigue augmente ainsi la sécrétion de la trompe d’eustache, favorisant l’otite séreuse chronique qui augmente le risque de développer une otite aigue. Les défenses immunitaires immatures, la vie en collectivité, le tabagisme passif favorisent aussi la surinfection du liquide de l’oreille moyenne entrainant une augmentation des otites aigue chez l’enfant (33).

« le symptôme n’est rien, le terrain est tout »

Claude Bernard

L’ostéopathie : une discipline préventive pour l’otite ?

Pendant plus d’un siècle, l’ostéopathie dans le monde entier a fourni des preuves de l’effet bénéfique du traitement ostéopathique sur les enfants en complément du traitement médical (34) (35) (36) (37) (38) (39) (40). Aux États-Unis, un document de synthèse a été publié par le biais du magazine Ostéopathic Cranial Academy décrivant les lignes directrices pour le traitement ostéopathique des patients atteints d’otite moyenne (41).

Dans le traitement ostéopathique des otites, les sociétés savantes ostéopathiques recommandent de traiter en première intention les tensions et dysfonctions des structures crâniennes y compris les structures intra-buccales (42). En effet, les dysfonctions des structures crâniennes notamment au niveau de l’os temporal peuvent affecter directement la trompe d’Eustache, que l’on sait être la principale structure impliquée dans l’apparition des otites moyennes (43). Une étude canadienne (44) vient de montrer de manière significative que les otites sont plus fréquente en présence d’une dysfonction ostéopathique de l’os temporal. Ceci s’explique par l’anatomie : L’os temporale est formé de 3 os (tympanal, écaille et rocher) qui fusionnent vers l’âge de 1 an et de l’apophyse mastoïdienne du temporal qui se développe par la traction du muscle sternocléidomastoïdien lors du contrôle de la tête contre la gravité pendant les 2 premières années de vie (45) ; créant ainsi une fragilité chez le nouveau-né et le jeune enfant. L’exemple le plus visible est observé lors d’une plagiocéphalie (crâne plat). L’aplatissement du crâne d’un côté entraine une malposition des oreilles responsable de la perturbation de la verticalisation naturelle de la trompe auditive qui devient plus courte du côté de la malformation crânienne, limitant le drainage de la trombe d’eustache et favorisant les otites (46) (47).

Les techniques crâniennes les plus utilisées sont la techniques de «Galbreath» qui applique un mouvement rythmique à la mandibule visant à générer indirectement une action de pompage sur la trompe d’Eustache (42) et les techniques de «Muncie» et «Muncie modifiée», pour ouvrir la trompe d’eustache (48).

Dans la plus grande étude ostéopathique à ce jour, l’association du traitement ostéopathique en complément aux antibiotiques a diminué la fréquence des épisodes d’otite moyenne aigue et le traitement chirurgicale par tympanostomie chez les enfants à risque d’otite par rapport au traitement par antibiotiques sans ostéopathie (39). L’analyse des tympanogrammes a montré une amélioration statistiquement significative dans le groupe traité par osteopathie associé au traitement standard avec un taux de résolution de 68,4% des otites en 2 semaines, contre 42,1% dans le groupe traité par le traitement standard sans ostéopathie. Ces résultats sont conformes à l’essai contrôlé randomisé de Mills et al. en 2003, qui  a évalué l’efficacité de l’osteopathie dans le traitement de l’otite moyenne. Les patients du groupe traité par osteopathie ont eu moins d’épisodes d’otite aigue par mois (P = 0,04) et moins besoin de chirurgie par tubes de tympanostomie (P = 0,03). D’autres études ont montré que les traitement ostéopathiques administrés en complément des soins standard chez les enfants atteints d’otite moyenne aigue entraînaient une résolution plus rapide de l’épanchement de l’oreille moyenne après l’otite aigue, qu’il n’y avait pas d’effets indésirables graves et que les traitements ostéopathiques pouvaient modifier l’évolution des cas récurrents d’otites (49) (50) (40) (51).

Des études ostéopathiques et chiropratiques montrent aussi que le traitement par mobilisation cervicale peut soulager aussi les otites moyennes (52) (53). Une des hypothèses, implique également la trompe d’eustache indirectement, par l’impact de la mobilisation cervicale sur les systèmes lymphatique et musculaire. Le flux lymphatique nécessite des contractions musculaires, des pulsations artérielles et une compression externe des tissus corporels. L’hypothèse est que la limitation des mouvements articulaires dans la colonne cervicale peut entraîner une hypertonicité musculaire limitant le drainage lymphatique loin de la région crânienne. Cette hypothèse suggère que la mobilisation cervicale réduit la tension dans les muscles hypertoniques, augmentant ainsi le drainage lymphatique(54). Une autre hypothèse, attribue les effets des mobilisations cervicales aux modifications biomécaniques produit dans la colonne vertébrale, qui ensuite intervient dans les modifications de l’activité nerveuse sympathique ou parasympathique (52) (53). Froehle a examiné l’efficacité de la thérapie manuelle chez 46 enfants ayant des otites. Après les traitements, 93% des otites moyennes aigues se sont améliorés (55) . En 2004, Zhang et al. regardé la résolution de l’otite moyenne chez 21 enfants par thérapie manuelle et 95% des patients ont retrouvé un aspect tympanique d’apparence normale et une diminution de leurs fièvres (56) . Fallon (57) a examiné 332 enfants (âgés de 27 jours à 5 ans) présentant un diagnostic d’otite moyenne (aiguë ou chronique) pour tester l’efficacité de la thérapie manuelle, les enfants ayant été traité par ajustements manuelles ont obtenu des examens otoscopiques et tympanogrammes normaux après en moyenne 6,67 jours et ces enfants avaient également un taux global de récidive d’otite aigue de seulement 11% sur 6 mois (57).

D’autres études viennent aussi appuyer la démarche ostéopathique dans la prise en charge de l’otite moyenne (58) (59) (60), ainsi que les médecines alternatives en général (61). En conclusion, la sphère ORL étant un système composé d’éléments osseux, de sutures, d’une muqueuse et d’éléments vasculo-nerveux interagissant, en dehors des causalités médicales spécifiques qu’il convient d’éliminer, les problèmes rhinopharyngés chroniques peuvent être envisagés sous l’angle ostéopathique.

Bibliographie