Le recours à l’ostéopathie est de plus en plus fréquent pour la femme enceinte et le nouveau-né mais plus exceptionnel pour la femme après accouchement. Pourtant l’observation clinique montre que, toutes les femmes examinées dans les semaines suivant un accouchement justifient d’une intervention ostéopathique éclairée.

Les douleurs de grossesse persistent-elles après l’accouchement ?

Une étude montre que 59,1% des femmes avaient mal au dos au moment de la naissance et que 43,2% des femmes avaient encore des douleurs 6 mois après l’accouchement (1). En 2007, une étude sur 14 663 femmes a constaté qu’environ 60% des femmes ont des douleurs de dos après l’accouchement (2) et un dixième des patientes avaient toujours des douleurs persistantes 2 ans après (3) (4) (5) (6) (7). En Norvège, une étude sur 1115 femmes souffrant de lombalgie et de sciatalgie pendant la grossesse a constatées que chez 74% d’entre elles, les douleurs ont commencé au cours du premier trimestre de la première grossesse et ont augmenté à mesure que la grossesse progressait. Les douleurs ont souvent persistaient après l’accouchement et se sont accentués lors de leur seconde voir troisième grossesse. Les douleurs ont souvent provoqué des déficiences majeures et des modifications de la vie après l’accouchement. Le repos et la kinésithérapie n’avaient eu du succès qu’à court terme (8). Dans une étude, 81% des patientes atteintes de douleurs lombo-pelviennes en post-partum ont déclaré souffrir de douleurs à la marche (9).

En Allemagne, en 2005, une thèse de doctorat à l’Université portant sur les troubles de santé maternelle après l’accouchement a montré qu’outre le mal de dos, d’autres problèmes apparaissent tels que les hémorroïdes, l’incontinence urinaire et les maux de tête (10). Aux Etats Unis en 2008, une étude scientifique a étudié les plaintes de 1 323 femmes entre 9 à 12 mois après l’accouchement. Les principales plaintes étaient des lombalgies, une dyspareunie et des douleurs abdominales. MacArthur (11) a interrogé 1 701 femmes à London sur leur santé après l’accouchement. Parmi les femmes interrogées, 28,8% ont déclaré avoir mal au dos à la naissance, 20,6% avaient une incontinence à l’effort, 17,6% avaient des hémorroïdes et moins de 10% des femmes avaient récemment eu un mal de tête. Ces symptômes peuvent persister dans les mois suivant l’accouchement. Saurel-Cubizolles (12) a constaté que plus de la moitié des femmes interrogées avaient mal au dos, étaient anxieuses et souffraient de fatigue extrême un an après avoir donné naissance à un enfant. Brown et Lumley (13) ont décrit la prévalence des problèmes de santé physique six mois après l’accouchement. Les problèmes de santé les plus fréquents étaient la fatigue (69%), les maux de dos (43,5%), les problèmes sexuels (26,3%), les hémorroïdes (24,6%) et les douleurs périnéales (21%) (13). La douleur pelvienne postnatale a été associée à une incapacité considérable dans les activités liées au mouvement (14) (15). Cette douleur est la cause la plus courante de congé de maladie après l’accouchement (16) (17). Cette douleur est considérée comme une forme spécifique de lombalgie pouvant survenir séparément ou conjointement avec la lombalgie (16) (18).

De plus, les troubles de la statique lombo-pelvienne sont générateurs notamment d’incontinence urinaire d’effort (IUE) et/ou de prolapsus, de pesanteur pelvienne, et de dyspareunies, de crampes. L’incontinence urinaire d’effort est présente chez 20 à 30% des femmes en post-partum et cette incontinence persistera à distance chez 10 % d’entre elles (19) (20). Dans d’autre cas, les lésions n’apparaîtront que plus tard touchant 46% des femmes de plus de 50 ans malgré l’avènement de la rééducation périnéale dans les années 70. Durant toute sa vie, une femme a un risque de 11 % d’être opérée d’un trouble de la statique pelvienne (21).

Mais pourquoi ?

Afin de pouvoir répondre aux exigences élevées de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum, le corps de la femme est particulièrement souple et s’adapte en conséquence à sa nouvelle situation. Pendant la grossesse pour augmenter la souplesse, le corps secrète une hormone, la Relaxine, qui entraine un relâchement des tissus conjonctifs du corps de la femme. Ce relâchement tissulaire conduit à une plus grande mobilité des os du bassin. Pour stabiliser ces structures relâchées, les muscles du plancher pelvien et paravertébraux se contractent, ce qui peut entraîner une posture inadéquate et être responsable en post-partum d’une symptomatologie persistante (22). Pour maintenir l’équilibre, il existe une augmentation compensatoire de la cyphose dans la colonne dorsale et une lordose dans la colonne lombaire et cervicale (23). L’augmentation du poids, d’environ 11 kg, principalement dans l’abdomen, provoque une tension soutenue au niveau lombaire et bassin (24). Par conséquent, ces changements peuvent donner lieu à des douleurs qui se concentrent en particulier sur les lombaires et articulations sacro-iliaques (25). En raison des naissances, des opérations, des traumatismes, mais aussi des changements dus au processus de vieillissement, l’interaction existante entre les organes intra abdominaux : utérus, vessie, rectum, peut être perturbée (26) (27). Un blocage du sacrum peut également être la cause d’un dysfonctionnement des organes pelviens. En effet, à la naissance, le sacrum et le coccyx doivent s’écarter postérieurement. Le plancher pelvien et la plupart des organes du bassin sont attachés à ces structures osseuses via des ligaments. Si le sacrum ou le coccyx ne reviennent pas à leur position initiale après l’accouchement, il se produit un changement de tension ligamentaire et musculaire susceptible de limiter la mobilité et la fonctionnalité des organes (28) (29) (30). En résumé, cela signifie que des modifications des pressions dans la cavité abdominale pendant la grossesse et le post-partum, ainsi que des dysfonctionnements locaux du bassin et notamment du sacrum et du coccyx, peuvent affecter la fonctionnalité de l’utérus et de ses structures viscérales et pariétales adjacentes (31) et entrainer des plaintes chez la femme après l’accouchement à type d’hémorroïdes, constipations, lombalgie,….

A ce jour, quel traitement ?

La thérapie standard comprend la physiothérapie, les ceintures de stabilisation, la stimulation nerveuse, les médicaments, l’acupuncture, les massages, la relaxation et le yoga (32) (33). Les directives européennes (16) recommandent un programme individualisé axé spécifiquement sur les exercices de contrôle et de stabilité dans le cadre d’un plan de traitement post-partum multifactoriel. De nombreuses recherches ont été menées sur les traitements conventionnels pour les patientes souffrant de douleurs en post-partum, notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les opioïdes, les blocs de glace et les coussins chauffants (34) (35) (36). Actuellement, les AINS sont le plus souvent utilisés pour le contrôle non spécifique de la douleur en post-partum. Les compresses froides semblent aider à soulager la douleur périnéale en post-partum (36). Cependant, ces modalités ne suffisent souvent pas à atténuer la douleur et le malaise continue qui cause souvent une détresse importante (35) (37).

Comment l’ostéopathie peut vous aider après l’accouchement ?

En raison des changements anatomiques survenant pendant la grossesse et l’accouchement, Il semble que le traitement ostéopathique constituerait une modalité complémentaire efficace pour traiter les patients souffrant de douleurs en post-partum.
Lors de l’accouchement vaginal, des modifications structurelles osseuses, associées à une laxité ligamentaire, rendent les femmes particulièrement sujettes aux dysfonctionnements sacro-iliaques en post-partum, susceptibles de provoquer une gêne sévère (38). Les facteurs prédisposant à la dysfonction somatique chez toutes les patientes en post-partum comprennent les changements posturaux et le stress émotionnel, qui conduisent collectivement à une hyperirritabilité des muscles et l’augmentation de la douleur (39). De nombreuses techniques ostéopathiques permettent de détendre les tissus musculaires contractés, de soulager les douleurs articulaires et de soulager les tensions ligamenteuses, réduisant ainsi cette douleur (40). Des dysfonctions vertébrales peuvent probablement apparaitre suite à l’exagération des courbes posturales qui sont adaptatives à l’augmentation du volume de l’utérus pendant la grossesse. Une étude (41) constate aussi un dysfonctionnement bilatéral de la flexion sacrée chez la moitié des femmes en post-partum, ce qui pourrait être dû à une augmentation de la lordose lombo-sacrée pendant la grossesse et à la « nutation physiologique » qui se produit pendant la phase d’expulsion fœtale du deuxième stade du travail. L’entrée et la sortie pelviennes s’élargissent et se rétrécissent également pour permettre l’engagement et l’expulsion du fœtus lors de l’accouchement, ce qui peut entrainer un dysfonctionnement du bassin.

Bjelland (42) a étudié le lien entre le mode d’accouchement et la douleur pelvienne persistante 6 mois après l’accouchement. Les résultats suggèrent un risque accru de douleur lombo-pelvienne sévère six mois après l’accouchement chez les femmes accouchées par césarienne par rapport à celles accouchées par voie basse. Les douleurs sont peut-être exacerbées par la cicatrice de la césarienne. En effet, les cicatrices de césariennes peuvent interférer avec la répartition de la charge fasciale, ce qui crée des adhérences avec les tissus voisins (43). Les viscères abdominaux et pelviens et les structures anatomiques environnantes sont alors potentiellement perturbés, ce qui entraîne une nutrition inadéquate et une tension mal répartie entre les différentes structures touchées. Pendant la cicatrisation, les cicatrices de césarienne s’attachent principalement au sacrum et à la colonne lombaire par la musculature abdominale et pelvienne et les compartiments fasciaux (43) (44). Si ces connexions sont perturbées, la fonction et la nutrition de l’utérus peuvent être perturbée. La restriction substantielle et le dysfonctionnement somatique du sacrum et de la colonne lombaire perturbent la fonction pelvienne, les structures viscérales correspondantes. Toutes ces modifications favorisent certainement le développement des douleurs lombo-pelviennes post accouchement par césarienne. Dans le traitement des cicatrices de césarienne par osteopathie, les techniques de libération myofasciale relâchent potentiellement la tension des couches de tissu qui ont été incisées (39) (45) (46) (47). La libération myofasciale soulage potentiellement la congestion et le dysfonctionnement somatique viscéral de l’utérus (48). Cao (46) a découvert que, lorsque les techniques de libération myofasciale ostéopathiques sont appliquées au niveau d’une cicatrice, les facteurs inflammatoires diminuent et une augmentation de la capacité de cicatrisation est observée. Sur la base des études in vitro (39) (45) (47) (49), les techniques de libération myofasciale ostéopathiques favorisent la cicatrisation des plaies.

Les crampes en post-partum résultent d’une augmentation du tonus utérin et sont régulées par des modifications hormonales post-partum, notamment l’ocytocine, et par le système nerveux autonome (50). La réduction de la dysfonction somatique de la jonction thoraco-lombaire est surement un des mécanismes possible de diminution des crampes par l’ostéopathie (51). Les tensions fasciales des ligaments notamment utérins peuvent contribuer à la contractilité et l’ostéopathie peut cibler la normalisation de ces tensions (52).
De plus, certaines techniques ostéopathiques douces favoriseraient une augmentation du débit sanguin et l’ouverture des canaux lymphatiques, ce qui pourrait contribuer à soulager la sensation de battement cardiaque accru post accouchement (40).

Avec l’ostéopathie, moins de douleur, aucun effet secondaire

Il y a de plus en plus de preuves que l’ostéopathie peut-être bénéfique pour le traitement des femmes souffrant de douleurs lombaires post-partum ou liées à la grossesse (53) (54). Trois études (31) (55) (56) portant sur 180 participants ont été analysés pour déterminer l’effet de l’ostéopathie sur les douleurs lombaires et pelviennes après l’accouchement. Les 3 études ont chacune rapporté des effets significatifs en faveur de l’osteopathie pour la douleur et pour l’état fonctionnel. Il y a des preuves que l’ostéopathie a un effet important et significatif sur la diminution de la douleur et l’amélioration de l’état fonctionnel chez les femmes atteintes de lombalgie en post-partum. Une méta analyse en 2017 sur l’efficacité du traitement ostéopathique de la lombalgie chez les femmes en post partum, a conclu que l’osteopathie a un effet significatif sur la diminution de la douleur (MD, ≥ 38,00) et l’état fonctionnel (DMS, ≤ 2,12) chez les femmes en post partum atteintes de lombo-sciatalgie (57). D’autres études sur les traitements ostéopathiques ont été couronnées de succès dans le traitement des maux de dos en post partum. Outre les études susmentionnées, Recknagel et Ross de 2007 (55) et Schwerla (56), ont abouti à des conclusions hautement positives de l’ostéopathie dans le traitement des douleurs de dos en post-partum. Dans l’étude de Recknagel (55), le groupe traité par osteopathie a eu une amélioration de 69,8 % des douleurs sur l’Echelle EVA (Echelle de douleur) versus 3,4 % dans le groupe témoin. L’échelle d’évaluation de la douleur OPQ s’était amélioré de 61 % chez les patientes traités par ostéopathie et la douleur s’était aggravée de 1,4 % dans le groupe non traité. Les résultats de l’étude de Schwerla (56) sont similaires avec un score EVA amélioré de 73 % dans le groupe osteopathie versus 7 % dans le groupe témoin et le handicap de la vie a été amélioration de 75% dans le groupe ostéopathie. Les résultats obtenus dans les études de Belz (31) en 2014 sont sensiblement similaires et suggèrent donc une reproductibilité. Lorsque la fréquence de la douleur a été mesurée, 89% des personnes testées du groupe ostéopathie ont indiqué comme valeur initiale qu’elles souffraient de douleur « régulièrement à permanente », alors que la valeur finale après traitement ostéopathique était de 11%. La comparaison entre les groupes a révélé que le groupe ostéopathie obtenait également des résultats positifs en termes d’amélioration des douleurs pelviennes. De plus, le suivi a révélé des résultats positifs durables pour le groupe d’intervention ostéopathique.

De façon plus globale, une étude menée en 2016 par Hastings (41) montre que l’ostéopathie réduit de façon significative les douleurs lombaires (57,6% avant le traitement puis 27,1% après traitement ostéopathique), les douleurs abdominale (réduction de 54,2% avant traitement à 37,3% après ostéopathie), les douleurs vaginales (18,6% réduit à 8,5% après ostéopathie) et les crampes. Une diminution des battements cardiaques a également été démontrée après traitement ostéopathique dans cette étude. En outre, les résultats démontrent que l’ostéopathie était capable de soulager complètement la douleur chez 22% des femmes en post-partum. Ces résultats démontrent que l’ostéopathie pourrait être prometteur pour le traitement des symptômes gênants en post-partum.

Bibliographie